Voilà une pratique fort répandue: présenter sous un jour favorable une mesure pas forcément très agréable. D’où vient cette expression?
Les pilules d’autrefois n’étaient pas des contraceptifs. Il s’agissait d’une forme de médicament, de petites sphères contenant les principes actifs, gros comme un petit pois à peu près, qu’élaboraient les apothicaires puis les pharmaciens.
Les pilules ont disparu au milieu du XXème siècle avec l’avènement des médicaments préparés par l’industrie, que nous appelons des spécialités pharmaceutiques, et le terme est passé dans le langage courant pour désigner les contraceptifs oraux (c’est-à-dire à avaler, du latin os, oris, la bouche). Les procédés que nous connaissons aujourd’hui (la pellicule autour des comprimés, l’enrobage brillant, les gélules, les capsules…) n’existaient pas, si bien que les pilules pouvaient être fort amères. On a donc cherché à faciliter la prise des médicaments: quoi de mieux qu’une fine couche d’or ou d’argent pour enrober les pilules? La méthode, on s’en doute, est réservée aux patients les plus fortunés. Et avec un autre effet: un remède onéreux ne pouvait qu’être efficace. Voilà comment faire avaler une pilule bien amère…
L’inutile et le superflu (ou pas)
La pratique n’est pas nouvelle: je ne résiste pas à cette nouvelle qui figure dans les éditions des Contes de Jean de La Fontaine, un malicieux Contrat (les spécialistes l’attribuent à un certain Chevalier de Saint-Gilles plutôt qu’au fabuliste) .
Un précepteur, jeune, bien fait, prend à cœur de s’occuper de la ravissante sœur de son élève, tant et si bien que le père de la demoiselle se met en quête d’un époux,
Riche suffisamment, et de bonne famille ;
Au surplus, bon enfant ; sot, je ne le dis pas,
Puisqu’il ignoroit tout le cas.
Lorsque bien vite après la noce, la jeune épousée met au monde un enfant fort vigoureux, le jeune marié se rend à l’évidence:
La pilule, à vrai dire, était assez amère ;
et le père, fort de son expérience, sait faire avaler la pilule à son gendre:
Mais il sut la dorer, et, pour me satisfaire,
D’un bon contrat de quatre mille écus
Qu’autrefois pour semblable affaire
Il avoit eu de son beau-père.
Et c’est ainsi que d’aucuns vous dorent la pilule, pour mieux vous la faire avaler…
