Les Médicis… banquiers, mécènes, reines de France, pape: illustre famille s’il en fut, et là n’est pas le sujet de ce court billet. Avez-vous déjà observé le blason des Médicis? Cherchez bien, qu’y voyez-vous? des boules de billard? des boulets de canon? une constellation? des cerises? Rien de tout cela, et comme souvent, une tout autre histoire
Au commencement…
C’est par Côme l’Ancien Medici que l’histoire se révèle: un aïeul des banquiers fut d’abord médecin (d’où le patronyme de Medici) et apothicaire. C’est le sens de ce premier blason, avec les cinq pastilles rouges qui symbolisent les organes, le foie, le cœur, les poumons, l’estomac et l’intestin, et la pastille bleue représentant la panacée , le remède « qui soigne tout ».
Apothicaire ou banquier? Il faut choisir !
Une autre interprétation du blason reflète le pouvoir des banquiers de la maison Medicis: les pastilles sont en fait des boules, figurant des doublons de banquiers ou des boules de bouliers. Une autre encore évoque le commerce qui fit le début de la fortune: le foulage des draps de laine, avec des boules de bois ou de pierre …
Diviser pour régner?
Un aïeul oublié a t-il laissé sa marque sur le blason d’une des plus illustres familles d’Italie , aux liens étroits avec la France, comme en témoigne cette fleur de lis sur la boule en chef d’azur, après que Louis XI l’autorisa en 1465, en reconnaissance des services rendus à la couronne ?
Ou la référence aux pilules de l’ancêtre apothicaire fut-elle lancée en France pour discréditer Catherine de Médicis? les avis sont partagés, les historiens se divisent… La légende qui entoure Catherine de Médicis , les rumeurs qui l’accusent d’empoisonnement ont la vie dure.
Un blason, une histoire de famille
Comment interpréter ce blason? Mettre l’accent sur les origines modestes de la dynastie avec les symboles d’apothicaire ou sur la fortune des descendants avec les instruments des banquiers? Les historiens se divisent, et même dans ce contexte, la devise de Catherine semble encore s’appliquer : diviser pour régner.
Le mot de la fin
À Nicolas Boileau, fin connaisseur de la nature humaine:
Nicolas Boileau, Satire V, Sur la noblesse.Et l’orgueil, d’un faux titre appuyant sa foiblesse,
Maîtrisa les humains sous le nom de noblesse.
De là vinrent en foule et marquis et barons :
Chacun pour ses vertus n’offrit plus que des noms.
Aussitôt maint esprit fécond en rêveriesInventa le blason avec les armoiries ;
De ses termes obscurs fit un langage à part ;
Composa tous ces mots de Cimier et d’Écart,
De Pal, de Contrepal, de Lambel et de Fasce,
(…)
Alors, pour soutenir son rang et sa naissance,
Il fallut étaler le luxe et la dépense ;
Il fallut habiter un superbe palais,
Faire par les couleurs distinguer ses valets,
Et, traînant en tous lieux de pompeux équipages,
Le duc et le marquis se reconnut aux pages,
Bientôt, pour subsister, la noblesse sans bien
Trouva l’art d’emprunter, et de ne rendre rien ;
(…)L’amour de vos aïeux passe en vous pour manie,
Et chacun pour parent vous fuit et vous renie.
Mais quand un homme est riche, il vaut toujours son prix .
Pour aller plus loin
Dominique Fernandez, Le dernier des Médicis, Grasset, 1994 p. 10
Un entretien avec un spécialiste de la Renaissance italienne:
Sur la même chaîne, un entretien consacré à Catherine de Médicis
Si un jour, vous avez l’occasion d’assister à une conférence d’Olivier Lafont, allez-y! Le blason des Médicis, c’est une parenthèse dans un cours d’histoire de la pharmacie à Paris Cité, et c’est un bonheur d’érudition et de générosité (parce que ses cours sont truffés de parenthèses, d’incises, d’anecdotes, de références.
Olivier Lafont, conférence du 11 janvier 2024, DU Histoire de la pharmacie. Paris Cité.
Un #BnFDansMonSalon, le Livre d’heures de Catherine de Médicis
Dernière mise à jour 15 février 2024