La lavande, peut-être la plus populaire des huiles essentielles! Mais quelques précisions s’imposent: il existe plusieurs huiles essentielles « de lavande », fort différentes les unes des autres.
Le père de l’aromathérapie moderne, René-Maurice Gattefossé, au début des années 1930, (ref 1) a confirmé les vertus cicatrisantes d’un extrait de lavande: la tradition rapporte que, s’étant gravement brûlé la main dans son laboratoire, il la plongea dans un récipient rempli d’HE de lavande et fut le premier étonné de la qualité de la cicatrisation…
Un peu de botanique
Les lavandes appartiennent à la famille des lamiacées (ou labiées), comme le thym ou l’origan.
Les lavandes sont des plantes héliophiles (qui aiment le soleil) qui poussent spontanément sur le pourtour du bassin méditerranéen.
Les lavandes attirent les insectes pollinisateurs: le miel de lavande est très réputé.
Il existe de nombreuses espèces de lavande, donnant des HE très différentes, avec des propriétés spécifiques .
Lavande et lavandin ?
Entre 700 et 800 mètres d’altitude, deux espèces de Lavande coexistent : Lavandula vera et Lavandula spica . Les abeilles transportent le pollen d’une espèce à l’autre, créant ainsi des hybrides naturels stériles : les lavandins. Les lavandins sont d’une fragrance moins fine que les lavandes, plus riches en camphre.
Bien utiliser les huiles essentielles de lavande.
Avant toute chose, pas d’automédication inconsidérée: il ne s’agit pas de se substituer à une consultation médicale, ou de remplacer un traitement prescrit. Les usages décrits ici concernent des maux du quotidien, sans caractère de gravité, et ne doivent jamais être prolongés. N’utilisez pas d’HE sans l’avis d’un professionnel de santé sérieusement formé à l’aromathérapie.
Il existe plusieurs HE de lavande, qui ont des propriétés particulières.
Les HE de lavande fine et lavande officinale
Pour lever toute ambiguïté, pensez à vérifier les noms latins: Lavandula vera, L.officinalis et L. angustifolia ont des compositions et des vertus similaires. Ce sont les seules dont l’emploi peut être envisagé chez l’enfant, en respectant certaines précautions .
Principales indications:
- apaisantes et antistress: des études cliniques confirment l’usage traditionnel de la lavande
- antispasmodiques: maux de ventre, douleurs de règles, mais aussi toux d’irritation
- cicatrisante, appoint anti infectieux
- répulsif pour les poux
- L’utilisation de l’HE de lavande est étudiée dans des établissements pour patients âgés atteints de démence: la diffusion de l’HE réduit l’anxiété et le nombre de chutes (ici)
Comment l’utiliser?
pour le stress, il est possible de procéder à des inhalations sèches: une goutte sur un mouchoir en papier ou sur un stick prévu à cet effet, et respirer calmement. C’est un mode d’administration adapté au stress. En revanche, évitez de déposer directement une goutte d’HE sur l’oreiller: si le parfum vous gêne après un moment, vous ne trouverez plus le sommeil.
L’utilisation dans un diffuseur permet de créer une atmosphère favorable à la détente & à la concentration. Dans cet usage, vous pouvez utiliser un lavandin super, moins onéreux. ll convient de ne pas diffuser en présence de jeunes enfants: interrompre une demi-heure avant de coucher bébé et penser à aérer la chambre le cas échéant.
Il est aussi intéressant de l’utiliser en application sur la peau. Attention, il est indispensable de la diluer, de préférence dans une huile végétale. La dilution varie de 5% à 20% pour un adulte, selon la surface d’application, l’état de la peau, l’indication… Eviter de mélanger au creux de la main: il n’est pas possible de contrôler la concentration, le fait d’ouvrir régulièrement le flacon facilite l’oxydation (et la dégradation de l’HE), et le contact répété de l’HE pure au creux de la main engendre à la longue des irritations voire des intolérances. L’application se fait en regard de la zone douloureuse (par exemple bas ventre et bas du dos pour des douleurs de règles) ou sur le plexus solaire , la plante des pieds, ou les poignets (notamment pour le stress ou les difficultés d’endormissement).
Chez l’adulte, les inhalations humides sont aussi possibles, par exemple pour soulager un rhume accompagné de toux, ou en sauna facial en cas d’acné. Cet usage est contre-indiqué en cas d’asthme ou de sensibilité respiratoire, chez l’enfant, pendant la grossesse et l’allaitement ainsi qu’en cas de couperose ou d’acné rosacée.
En ce qui concerne l’effet « anti-poux » plébiscité par les mamans: il ne faut jamais appliquer l’HE directement sur la peau de l’enfant. En revanche, déposez une goutte d’HE Lavande fine, dans le bonnet, sur l’écharpe, les cols des doudounes ou les chouchoux . Il existe un doute depuis plusieurs années sur un éventuel effet de perturbateur endocrinien de l’HE de Lavande fine. Il est controversé, mais pas définitivement exclu: restons prudents, et gardons l’habitude d’éviter le contact prolongé et répété des HE avec la peau, plus encore chez l’enfant.
HE de Lavandula hydrida clone super: le lavandin super
Le lavandin super représente 10 % des cultures de lavandes, son parfum est très proche de celui de la lavande vraie, mais beaucoup plus économique: c’est le lavandin à privilégier en diffusion.
Son profil est proche de celui de la lavande vraie, un peu plus camphrée (5-7% environ). De ce fait, vous pouvez l’utiliser en diffusion atmosphérique, mais elle est à éviter chez le jeune enfant et la femme enceinte ou allaitante, par prudence.
HE de Lavandula hydrida clone abrialis: le lavandin abrial
Il donne une HE très utilisée en aromathérapie, notamment pour les massages musculaires et articulaires.
Elle est davantage camphrée que l’HE de lavande fine et que le lavandin super, ce qui en fait une HE de massage souveraine des crampes du sportif . (Dans cette indication, à diluer à 10% , associée à une autre HE complémentaire pour une synergie décontracturante ou anti inflammatoire selon les cas). Elle est contre-indiquée chez le jeune enfant et la femme enceinte ou allaitante, par prudence
HE de Lavandula x burnatii clone grosso : le lavandin grosso
avec un fort rendement, il représente 80 % des cultures. L’HE est de médiocre qualité, c’est l’HE « pour touristes » de l’aveu même des producteurs… Elle est utilisée pour les produits de toilette et les savons.
Du fait de son faible coût, elle est commercialisée et peut s’utiliser en aromathérapie:avec des propriétés relaxantes et antispasmodiques, ainsi qu’une action anti infectieuse en association à d’autres HE. Mais sa teneur en camphre interdit une utilisation chez l’enfant et le nourrisson, la femme enceinte ou qui allaite, ou en cas d’antécédents d’épilepsie ou de convulsions (précaution qui concerne la plupart des huiles essentielles)
HE de Lavandula spicata (latifolia) : la lavande aspic
Une HE de lavande à l’odeur légèrement camphrée. C’est l’HE à utiliser en première intention sur les brûlures et les piqûres (orties, guêpes, abeilles, moustiques…). Chez l’adulte, il est possible de l’utiliser pure, de manière exceptionnelle: une goutte sur une piqûre d’insecte, puis appliquer l’HE diluée à 20% pendant une journée ou 2. Et n’oubliez pas de vérifier si la vaccination anti-tétanique est à jour.
C’est aussi une HE bien utile pour les toux « mixtes », toujours en application externe, en dilution à 10%, associée à une autre HE complémentaire (par exemple Eucalyptus radiata ou Cinnamomum camphora ct cinéole: ravintsara, selon les cas)
Pour Michel Faucon , c’est l’HE du « retour à la nature ».
Utilisez-la en voie cutanée diluée, et par prudence (du fait de la présence d’une cétone, le camphre), jamais chez la femme enceinte ou allaitante, jamais chez le nourrisson ou le jeune enfant.
HE de Lavandula stœchas : la lavande stœchade ou lavande papillon
Une HE moins courante que les précédentes, à l’odeur de lavande peu marquée. Elle a une composition bien particulière , avec une une grande proportion de cétones (fenchone et camphre).
Elle a montré de grandes qualités cicatrisantes, dans quelques cas précis, toujours sous contrôle médical: (escarres, ulcères, sous contrôle médical strict, dans un support de miel).
Elle possède une activité infectieuse intéressante vis-à-vis d’un germe redoutable, Pseudomonas aeruginosa alias bacille pyocyanique.
Elle rend de grands services en complément des traitements conventionnels des otites séreuses, en application cutanée diluée autour de l’oreille et en regard des sinus maxillaires. On utilise ses propriétés mucolytiques pour les toux « qui ne décrochent pas ».
Attention: très neurotoxique et abortive, donc contre-indication ABSOLUE pour les femmes enceintes (quel que soit le terme de la grossesse), allaitantes, les enfants et toutes les personnes qui ont des antécédents de convulsions ou d’épilepsie, même anciens, même parfaitement équilibrés par leur traitement de fond.
La lavande stœchade est étudiée dans le cadre de recherche sur les maladies dégénératives comme la maladie d’Alzheimer: les résultats préliminaires sont intéressants, mais il ne s’agit pour l’instant que de recherche de laboratoire sur des tissus isolés ou des cerveaux de souris. Aucune application thérapeutique n’est envisageable ds un avenir proche.
D’autres études évaluent le potentiel anticancéreux d’une huile essentielle de Lavandula stœchas particulière (plus riche en 1,8-cinéole que l’HE d’usage habituel). Là encore, les résultats sont encourageants, sans préjuger d’une utilisation thérapeutique à plus ou moins long terme.
L’inutile et le superflu (ou pas)
D’un point de vue historique, la lavande désignait Lavandula stoechas jusqu’au Moyen-Âge.
Attention aux contresens : quand Hildegarde de Bingen préconise la lavande dans les bronchites ou les brûlures, il ne s’agit pas de notre Lavande officinale , mais probablement de la lavande stœchade ou lavande papillon.
Dans le midi de la France, on surnomme la lavande « garde-robe »: des sachets de lavande dans les armoires de linge repoussent les insectes & parfument le linge.
Le mot de la fin
à Alphonse Daudet
En ouvrant ma porte ce matin, il y avait autour de mon moulin un grand tapis de gelée blanche. L’herbe luisait et craquait comme du verre ; toute la colline grelottait… Pour un jour ma chère Provence s’était déguisée en pays du Nord ; et c’est parmi les pins frangés de givre, les touffes de lavandes épanouies en bouquets de cristal, que j’ai écrit ces deux ballades d’une fantaisie un peu germanique, pendant que la gelée m’envoyait ses étincelles blanches, et que là-haut, dans le ciel clair, de grands triangles de cigognes venues du pays de Henri Heine descendaient vers la Camargue en criant : « Il fait froid… froid… froid. »
Ballades en prose, 1887
Bibliographie succincte
(ref1) L’aromathérapie exactement P.Franchomme, R.Jollois, D.Pénoël Editions Roger Jollois
La botanique redécouverte Aline Raynal-Roques Ed.Belin INRA
Traité d’aromathérapie scientifique et médicale Michel Faucon Ed.Sang de la terre
Ghavami T, Kazeminia M, Rajati F. The effect of lavender on stress in individuals: A systematic review and meta-analysis. Complement Ther Med. 2022 Sep;68:102832. doi: 10.1016/j.ctim.2022.102832. Epub 2022 Apr 13. PMID: 35429599.
Boukhatem MN, Sudha T, Darwish NHE, Chader H, Belkadi A, Rajabi M, Houche A, Benkebailli F, Oudjida F, Mousa SA. A New Eucalyptol-Rich Lavender (Lavandula stoechas L.) Essential Oil: Emerging Potential for Therapy against Inflammation and Cancer. Molecules. 2020 Aug 12;25(16):3671. doi: 10.3390/molecules25163671. PMID: 32806608; PMCID: PMC7463424.
Auteur de l’article: Sabine Robin, docteur en Pharmacie, DU phyto-aromathérapie clinique, DU micronutrition exercice et santé, DU Histoire de la médecine
L’auteur déclare ne présenter aucun conflit d’intérêt financier avec l’industrie pharmaceutique ou laboratoire ou fabricant de produits ou matériels médicaux.
Dernière mise à jour 10 décembre 2022
