Un peu de botanique
Le laurier noble, encore appelé laurier vrai, laurier-sauce ou laurier d’Apollon, Laurus nobilis, est un arbuste ou un arbre de la famille des Lauracées (c’est aussi la famille de la cannelle, des camphriers…). Il peut atteindre 15 à 18 mètres dans les climats chauds. Il est commun dans nos régions, souvent nommé laurier-sauce. On reconnaît facilement ses feuilles un peu coriaces, légèrement ondulées, au parfum caractéristique.
Le laurier-noble a la réputation d’être le seul arbre cultivé qui ne soit jamais frappé par la foudre. Le laurier-noble donne des fruits (dans le pourtour méditerranéen): ce sont des baies (précisément des drupes) noires (ou pourpre-noir) de 1 à 2 cm de long. C’est un arbre dioïque (les fleurs mâles et les fleurs femelles sont sur des pieds séparés).
Attention aux confusions!
Ne pas confondre avec le laurier-cerise, Prunus laurocerasus, dont les feuilles contiennent de l’acide cyanhydrique mortel. Ses feuilles dégagent un parfum caractéristique d’amande amère. Il entre dans la composition d’un produit pharmaceutique, l’eau de laurier-cerise. C’est un arbuste ornemental, toujours vert. Sa toxicité est importante: son utilisation culinaire au XVIIIème siècle est à l’origine de la découverte de l’acide cyanhydrique.
Autres confusions possibles: avec le laurier-rose Nerium oleander. C’est aussi un arbuste ornemental. Il est particulièrement toxique. La plupart des intoxications concernent de jeunes enfants.
Confusion possible également avec un « laurier » indien Codiaeum variegatum, qui est toxique lui aussi.
Une plante médicinale
La feuille de laurier noble ne sert pas qu’au bouquet garni dans la cuisine!
En tisane ou en poudre (dans ce cas, sous forme de gélules ou de comprimés), c’est une plante digestive, pour les ballonnements, les digestions « lentes ». Le traitement ne doit pas dépasser une semaine. Ayez la main légère: le laurier est hémolytique à forte dose (il détruit les globules rouges).
Au XIXème siècle, la poudre de laurier était utilisée comme fébrifuge (pour faire baisser la fièvre) dans les rhumes et les bronchites.
Une infusion de laurier appliquée sur le cuir chevelu a la réputation de soigner les pellicules par son effet antiseptique, de stimuler la pousse de cheveux
L’huile de laurier obtenue à partir des baies a une consistance onctueuse, c’est une bonne huile de massage pour soulager les douleurs musculaires et articulaires, mais aussi des douleurs de l’oreille (en application sur la peau autour de l’oreille), les douleurs dentaires. En médecine vétérinaire, elle était fort appréciée pour éloigner les parasites, avant l’avènement des répulsifs chimiques. Cette huile est parfois remplacée par une huile beaucoup moins active, simple macérât huileux de feuilles et de baies quand elles sont disponibles: c’est néanmoins un remède facile à réaliser, et qui garde une efficacité non négligeable pour soulager courbatures et douleurs articulaires.
L’huile de laurier entre, avec l’huile d’olive, dans la composition du savon d’Alep.
Les baies de laurier entraient dans la composition d’une formule jadis fort employée, l’alcoolat de Fioravanti.
Une huile essentielle
L’huile essentielle (HE) de laurier noble est extraite de la feuille jeune et des rameaux fructifiés.
L’HE laurier noble est anti-infectieuse, elle est active sur la plupart des bactéries et de nombreux virus et champignons.
Elle est aussi expectorante, anti inflammatoire et analgésique. C’est aussi une bonne insectifuge et anti parasitaire: une option à retenir pour repousser les moustiques si vous voulez changer de la citronnelle.
Ses indications découlent de ses propriétés: pour les sinusites, bronchites (anti infectieuse, mucolytique), dans les grippes, herpès (anti virale), dans les infections intestinales (anti bactérienne), pour l’hygiène buccale, les candidoses (anti mycosique, analgésique), pour les douleurs articulaires et la petite traumatologie (relaxante musculaire et anti inflammatoire). Elle est aussi digestive et tonique.
Elle s’utilise en application cutanée diluée dans une huile végétale. La voie orale est possible dans quelques cas précis et sur des durées courtes, seulement après avis d’un phytothérapeute expérimenté. Elle est réservée à l’adulte. Elle peut être allergisante. Elle est irritante en cas d’utilisation pure sur la peau.
Et puis l’inutile et le superflu (ou pas)
D’Apollon à Napoléon
Apollon, le dieu grec de la lumière, de la musique, de la poésie a humilié Cupidon, dieu de l’Amour: vengeance… Cupidon décoche deux flèches: l’une en or pour Apollon, qui devient follement amoureux de Daphné, l’autre en plomb pour la nymphe, afin qu’elle lui reste indifférente. Daphné s’échappe et supplie son père, le dieu-fleuve Pénée, de lui « faire perdre cette apparence qui (lui) a valu de trop plaire »: Pénée la transforme en laurier . Dévoré par le remords, Apollon lui déclare alors: « tu seras mon arbre et à tout jamais tu orneras, ô laurier, ma chevelure, mes cithares, mes carquois ».
La Pythie, à Delphes, mâche des feuilles de laurier lors de ses orgies.
À l’époque romaine, les généraux vainqueurs portaient une couronne de laurier au moment d’être portés en triomphe sur la Via sacra. Durant cette cérémonie, le général portait le titre de imperator . Ce titre devient permanent sous Jules César: le Sénat le lui décerne après la guerre de Gaules, et Jules César est représenté avec cette couronne de lauriers. La coutume a perduré: des kaisers allemands aux tsars russes, jusqu’à Napoléon et Napoléon III.
À l’époque médiévale, cette couronne portée par le dieu des Arts devient le symbole attribué aux étudiants . Et la coutume attribue au baccalauréat cette étymologie: bacca laurea, baies de laurier, en référence à cette fameuse couronne. D’autres sources préfèrent voir un dérivé de bachelarius, premier titre porté à Rome par les jeunes chevaliers. Le débat n’est pas clos! le diplôme demeure orné d’une couronne de laurier.
La croix de la Légion d’honneur porte une couronne mi-chêne, mi-laurier.
Du Saint-Laurent au Lauragais
Pline précise que le laurier est « le seul arbre dont le nom soit donné à des hommes »: Laurus et Laurentius, puis Lorenzo, Laurent , Laurence, Lawrence… On retrouve aussi notre laurier dans des noms de lieux: de Laurac dans l’Aude (qui a donné son nom à la région du Lauragais) au fleuve Saint-Laurent. Et Loreto, lieu de pélerinage de la région d’Ancône signifie « lieu planté de lauriers »: l’église parisienne Notre-Dame-de-Lorette en porte le nom, mais lorette s’applique aussi au XIXème siècle, aux jeunes courtisanes qui fréquentaient cette église.
Un conservateur naturel
Le laurier , par ses propriétés antiseptiques est utilisé comme conservateur dans la cuisine: il parfume et participe à la conservation des légumes, des poissons au vinaigre ou en saumure, des légumes séchés dans l’huile ou des agrumes conservés au sel. Une feuille de laurier dans un sac de farine en chasse les charançons. Le laurier figure toujours dans las marinades de gibier. Son usage en cuisine est ancien: Apicius (1er siècle) le cite déjà à maintes reprises.
Le mot de la fin à Arthur Rimbaud (Aube, Les illuminations )
J’ai embrassé l’aube d’été.
Rien ne bougeait encore au front des palais. L’eau était morte. Les camps d’ombres ne quittaient pas la route
du bois. J’ai marché, réveillant les haleines vives et tièdes, et les pierreries regardèrent, et les ailes
se levèrent sans bruit.
La première entreprise fut, dans le sentier déjà empli de frais et blêmes éclats, une fleur qui me dit son nom.
Je ris au wasserfall blond qui s’échevela à travers les sapins : à la cime argentée je reconnus la déesse.
Alors je levai un à un les voiles. Dans l’allée, en agitant les bras. Par la plaine, où je l’ai dénoncée au coq.
A la grand’ville elle fuyait parmi les clochers et les dômes, et courant comme un mendiant sur les quais de marbre,
je la chassais.
En haut de la route, près d’un bois de lauriers, je l’ai entourée avec ses voiles amassés, et j’ai senti un peu
son immense corps. L’aube et l’enfant tombèrent au bas du bois.
Au réveil il était midi.
Bibliographie sommaire
Codex medicamentarius gallicus Pharmacopée Française tome II, 6èmeédition, 1937
Breverton’s Complete herbal, based on Culpeper’s The English Physitian and Compleat Herball of 1653 Éd.Quercus
Jean Bruneton Pharmacognosie, phytochimie, plantes médicinales , 5ème édition, ED.Lavoisier Tec et doc
Michel Chauvet Encyclopédie des plantes alimentaires Ed.Belin 2018
Christophe Drénou Un botaniste au musée Editions Fage 2019
Michel Dubray Guide des contre-indications des principales plantes médicinales Ed.Lucien Souny
F.Dupont, J.-L. Guignard Botanique systématique moléculaire 14ème édition, Ed.Elsevier-Masson
Michel Faucon Traité d’aromathérapie scientifique et médicale Sang de la Terre
Paul-Victor Fournier Dictionnaire des plantes médicinales et vénéneuses de France Éd. Omnibus
Pierre Franchomme, Roger Jollois, Daniel Pénoël L’aromathérapie exactement Ed.roger Jollois
Fabienne Millet Le guide Marabout des huiles essentielles Ed Marabout
Marie-Antoinette Mulot herboriste diplômée Secrets d’une herboriste Éd.Dauphin
Henriette Walter , Pierre Avenas La majestueuse histoire du nom des arbres Ed.Robert Laffont, 2017
https://www.centreantipoisons.be/
et bien sûr wikiphyto,