Cueillir des plantes sauvages: apprendre à reconnaître

Les plantes sauvages sont en vogue. Le plaisir de cueillir , de consommer sa récolte est à la portée de tous. Pourtant chaque année, des intoxications nous rappellent que les plantes peuvent être toxiques. Quelques conseils pratiques: d’abord, identifier avec certitude.

Des plantes toxiques

La flore européenne compte quelques plantes toxiques, mais elles ne sont pas si nombreuses: 150 environ, sur 12 000 espèces recensées. Dans certains cas, toute la plante est toxique (le cytise, la ciguë), parfois une partie de la plante est comestible (dans le Robinier faux-acacia, tout est toxique sauf la fleur dont on fait de succulents beignets).

Les intoxications accidentelles surviennent le plus souvent par confusion entre une plante comestible et une plante toxique (par exemple entre cerfeuil sauvage comestible et œnanthe safranée redoutable), ou une consommation excessive (la grande consoude, la bourrache…), la consommation d’une partie non comestible (la feuille de pomme de terre ou le fruit de l’asperge).

Identifier une plante

Il est indispensable d’identifier avec certitude une plante: la ressemblance avec une photo ne suffit pas, la réponse donnée par une appli sur votre téléphone donne une indication, mais pas une certitude.

Comment faire?

Vous connaissez (ou pensez connaître) la plante, vérifiez toujours ses caractères, surtout si elle n’est pas fleurie. Cueillez toujours avec grande attention: des renoncules ont tôt fait de se mêler à une récolte de pissenlit…

Un exemple: la massette (Typha latifolia) est comestible (jeunes feuilles, rhizome) , mais gare à la confusion avec l’iris des marais (Iris pseudoacorus) , toxique. Quand les plantes ne sont pas en fleur, les feuilles se ressemblent: l’iris porte une nervure saillante, pas la massette.

Une fois que avez une idée du nom de la plante, reste à vérifier: la photo ne suffit pas (il s’agit par définition d’un exemplaire particulier). Préférez des flores qui contiennent aussi des schémas botaniques. Vérifiez soigneusement les caractéristiques décrites: présence de poils sur la tige, tige à section carrée, tige pleine ou creuse, cannelée, implantation des feuilles, lieu de prédilection (une plante qui pousse préférentiellement en sous-bois humide a peu de chance de se retrouver sur un talus en plein soleil), odeur… ne goûtez jamais une plante ou un fruit sans avoir identifié correctement.

Il existe aussi des flores qui vous permettent de déterminer le nom de la plante, par une observation attentive.

Que faut-il observer ?

Vous avez une idée de la plante, vous avez trouvé sa description botanique: vérifiez scrupuleusement que tous les caractères décrits sont bien présents. Attention aux cueillettes de plantes non fleuries: bien souvent, c’est la fleur qui permet une identification certaine.

La tige

Elle peut être ligneuse (comme du bois) ou herbacée, dressée ou rampante, avec ou sans poils, creuse ou pleine, à section carrée…)

Les feuilles:

Il faut observer leur position sur la tige (alternes, opposées, en rosette…), leur structure (simple ou composée de folioles), leur forme ( en cœur, allongée, découpée en limbes…), leur base (engainante, avec un pétiole…), avec ou sans poils, les nervures (saillantes ou non, en étoile, parallèles…)

Moutarde et chélidoine par exemple ont un air de famille avec leurs fleurs jaunes. Pour une identification facile, il faut observer les feuilles: lyrées (en forme de lyre) pour les feuilles inférieures de la moutarde, ovales ou oblongues sans pétioles plus haut, alors que la chélidoine a des feuilles profondément découpées. Un autre caractère suffit à les différencier: la chélidoine a un latex jaune (qui est un remarquable traitement des verrues).

L’odeur

Elle est parfois très nette comme pour les menthes, parfois plus délicate.

Le port

C’est l’allure générale: les fleurs,, les fruits sont-ils dressés ou tombants?

Les fleurs

Sa couleur, isolée ou inflorescence, en ombelle, en corymbe. La forme de la fleur, le nombre de pétales, soudés ou libres…

Les fruits

Vérifier la saison, la couleur, la taille, l’odeur (NE GOÛTEZ PAS !!!), la présence ou non d’un pédoncule, regroupés ou isolés…

Des plantes à connaître

Une courte liste de plantes toxiques à bien repérer:

Des poisons: plantes provoquant des intoxications graves voire mortelles à faible dose

Je classe dans cette rubrique des plantes qui peuvent provoquer des intoxications graves même à faible dose. Elles sont responsables hélas d’accidents mortels.

Aconit napel Aconitum napellus (La plus toxique de notre flore, c’était un poison de flèche…Tous les aconits sont toxiques)

Chardon à glu Atractylis gummifera

Adonis Adonis aestivalis et tous les adonis

Belladone Atropa belladonna Tout est toxique et surtout les fruits qui peuvent être confondus avec des baies comestibles.

Ciguë vireuse Cicuta virosa comme la grande ciguë, confusions avec cerfeuil, carotte, angélique ou berce

Colchique Colchicum automnale confusion avec le safran

Grande ciguë Conium maculatum Le poison de la mort de Socrate, confusions avec cerfeuil, carotte, angélique ou berce

Muguet Convallaria maialis Confusion possible avec l’ail des ours. Tout est toxique dans le muguet, pas seulement les baies.

Corroyère ou redoul Coriaria myrtifolia effets proches de ceux de la strychnine

Datura Datura stramonium Toute la plante est dangereuse, confusions possibles avec les chénopodes (comestibles), surtout quand la plante n’est pas fleurie.

Digitale pourpre Digitalis purpurea Toutes les digitales sont toxiques (y compris d’ornement). La plante entière est toxique.

Scille officinale Drimia maritima le bulbe est particulièrement toxique.

Jusquiame Hyoscyamus niger C’était une plante de sorcières (psycho active)

Cytise Laburnum anagyroïdes confusion avec les fleurs du Robinier faux-acacia

Laurier rose Nerium oleander Quelques feuilles sont mortelles. Le bois est toxique aussi (empoissonnement par des brochettes )

Oenanthe safranée Oenanthe crocata et Oenanthe aquatique O.aquatica toxiques comme la grande ciguë, confusions avec cerfeuil, carotte, angélique ou berce

Ricin Ricinus communis Les graines sont mortelles

If Taxus baccata Feuillage et graines sont mortels, mais pas l’arille rouge qui entoure la graine: c’est pourquoi les oiseaux ne s’intoxiquent pas (ils ne croquent pas la graine qui est rejetée dans les excréments), alors que les herbivores en sont victimes.

Veratre Veratrum album

Des plantes toxiques: plantes provoquant des intoxications graves voire mortelles à dose élevée

Moins toxiques que les précédentes, mais à ne surtout pas consommer!

  • Arnica montana: la fleur est toxique
  • Les arums (fruits toxiques)
  • Bois gentil Daphne mezereum, malgré son nom.
  • Bourdaine Rhamnus frangula et nerprun Rhamnus cathartica
  • Bryone dioïque Bryonia dioïca
  • Douce amère Solanum dulcamara (fruits toxiques)
  • Euphorbes toutes sont toxiques à des degrés divers
  • Fritillaire Fritillaria meleagris
  • Fusain Euonymus europaeus les jolis fruits roses sont toxiques
  • Genêts d’Espagne Spartium jonceum et autre genêts
  • Giroflée Erysium cheiri
  • Héliotrope Heliotropium europaeum plante méditerranéenne
  • Hellébore fétide Helleborus foetidus une plante qui fleurit l’hiver. Toute la plante est toxique, la racine est particulièement redoutable: 70g de racine sèche suffisent à tuer un bœuf.
  • Laurier-cerise Prunus laurocerasus
  • Maïanthème Maïanthemum bifolium Elle ressemble au muguet
  • Narcisses et jonquilles: surtout les bulbes, mais toute la plante est à éviter
  • Nivéole Leucojum vernum, Corydale Coridalis solida et perce-neige Galanthus nivalis: des plantes du printemps.
  • Parisette à quatre feuilles PAris quadrifolia les baies sont toxiques (elles étaient utilisées dans des appâts pour tuer les renards)
  • Pied d’alouette Consolida regalis et staphisaigre Delphinium staphisagria (et les autres dauphinelles)
  • Robinier faux-acacia tout est toxique, sauf la fleur qui donne qui succulents beignets
  • Les sceaux de Salomon (Polygonatum spp)
  • Séneçon commun Senecio communis interdite en usage médicinal désormais car hépatotoxique, mutagène, cancérigène.
  • Troène, lierre et chèvrefeuille: les fruits sont toxiques

et des précautions

Bien d’autres plantes nécessitent prudence et raison: sans entraîner d’effets bien graves, certaines sont irritantes, indigestes, sensibilisantes au soleil… D’autres ne sont comestibles qu’en petite quantité.

Dans un prochain article, je vous explique comment cueillir en sécurité, pour éviter des contaminations par des parasites, des polluants, comment respecter la ressource végétale.

Le mot de la fin

Denis Diderot (1713-1784)

Il est très important de ne pas prendre de la ciguë pour du persil, mais nullement de croire ou de ne pas croire en Dieu.

La lettre sur les aveugles à l’usage de ceux qui voient. 1749

Bibliographie succincte

Des sites fiables:

www.toxiplante.fr pour les plantes toxiques

http://www.tela-botanica.org pour les descriptions botaniques, l’ethonobotanique: des monographies très complètes

http://www.wikiphyto.org plus de 1500 fiches, avec une bibliographie actualisée, par des auteurs reconnus (Créé par Jean-Michel Morel, grand phytothérapeute s’il en est!)

Des ouvrages de botanique, des livres « de terrain » et une flore analytique

F.Dupont, J.-L. Guignard Botanique systématique moléculaire 14ème édition, Ed.Elsevier-Masson

Bob Gibbons Bloomsbury pocket guide to wild flowers  Bloomsbury

Aline Raynal-Roques La botanique redécouverte Ed.Belin INRA 2008

Margot et Roland Spohn 450 fleurs Ed Delachaux et Niestlé

Gaston Bonnier Les noms des fleurs trouvés par la méthode simple sans aucune notion de botanique. Librairie générale de l’enseignement 1951 Un ouvrage ancien, certes, mais qui permet de déterminer une plante grâce à des clés de détermination claires. Un bon moyen aussi pour apprendre à observer les plantes.

Des ouvrages généraux

François Couplan Hommes et plantes Ed Sang de la Terre 2011

Eric Birlouez Histoire des poisons, des empoisonnements et des empoisonneurs . Ed.Ouest-France 2016

Breverton’s Complete herbal, based on Culpeper’s The English Physitian and Compleat Herball of 1653 Éd.Quercus

Jean Bruneton Pharmacognosie, phytochimie, plantes médicinales , 5ème édition, ED.Lavoisier Tec et doc

Jacques Fleurentin, Jean-Claude Hayon  Des plantes toxiques qui soignent Ed. Ouest-France2011

2 réponses sur “Cueillir des plantes sauvages: apprendre à reconnaître”

  1. Merci Sabine, pour ce très intéressant travail de mise en garde ! Je retiens qu’il faut plutôt éviter de cueillir des plantes et de les manger avant d’en faire faire l’expertise par une personne bien informée ! Nicole BM

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