Qu’est-ce que c’est?
La notion d’aliment ultra transformé (AUT) est récente. Elle se base sur le traitement industriel des aliments( ref1) et non sur leur composition nutritionnelle (ref2)
Vous pensez en premier lieu à la malbouffe, hamburger ou barres chocolatées. Ce ne sont pas les seuls, hélas, et tous les rayons sont concernés, y compris les produits bio: par exemple beaucoup de « laits » végétaux, les « steaks » végé ou vegan, des biscuits, des galettes de céréales…
Une classification des aliments
Des chercheurs ont établi une classification, dite NOVA. Comme toute classification, elle est relative, présente des ambiguïtés, mais elle a le mérite de clarifier la notion de « transformation » des aliments.
La classification NOVA détermine 4 groupes d’aliments:
Groupe 1: Les aliments frais ou peu transformés: pas d’additifs. Par exemple, les légumes bruts ou surgelés, la viande sous vide (pas la charcuterie), les fruits secs, les lentilles à cuire, le riz, les pâtes…
Groupe 2: Ingrédients culinaires transformés (‘food ingredient’) : les substances extraites du groupe 1 par pressage, meulage ou raffinage ou broyage. Ils comprennent les condiments, les farines, le beurre (mais pas la margarine) et les huiles végétales.
Groupe 3: Aliments transformés (‘processed food’) : ce sont des produits simples fabriqués avec des aliments du groupe 1 avec ajout de substances du groupe 2 (sel, huile, sucre…). Ce groupe comprend les aliments en conserve, les aliments fumés, les fromages, les pains de boulangerie artisanale (mais pas le pain industriel..). Le but d’obtenir des aliments transformés est d’augmenter la durée de vie des aliments du groupe 1 ou modifier leurs qualités organoleptiques.
Aliments hautement transformés (‘ultraprocessed food’) : des produits avec des formulations industrielles qui comportent plus de 4 ou 5 ingrédients. Ces aliments peuvent comporter des additifs alimentaires, des protéines hydrolysées, des amidons modifiés et/ou des huiles hydrogénées. Un aliment hautement transformé est un produit qui est facile à consommer, souvent peu coûteux. Ces produits sont généralement énergétiquement denses, riches en sucres ajoutés, en sel et matières grasses.
Quelques exemples d’aliments ultra-transformés
Cette margarine bio : Huiles végétales biologiques 57 % (colza, coco, karité), eau, émulsifiants (lécithine de SOJA), sel, arômes naturel
Ce steak végétal également, pourtant l’emballage précise « sans OGM », comme une garantie de qualité… Ingrédients : Eau, tomates 26%, protéines de SOJA 21%, jus de SOJA 13% (eau, graines de SOJA 10%), huile de tournesol, oignons, basilic 5%, sel, fibres de BLE garanties sans GLUTEN, sucre, gélifiant : méthylcellulose. (12 composants)
Ce pain de mie « céréales et graines » aussi:
CEREALES 53% (farine de BLE 45,6%, farine d’AVOINE 1,7%, farine de riz 1,7%, farine de SEIGLE 1,7%, farine d’ORGE 1,7%, farine de SEIGLE malté 0,7%, farine d’ORGE maltée 0,3%), eau, graines de tournesol 4,6%, concassé de SOJA 4,2%, GLUTEN de BLE, graines de lin 2,2%, huile de colza, graines de millet 1,3%, arôme (contient alcool), dextrose, levure, sel, flocons d’AVOINE 0,9%, graines de pavot 0,7%, LAIT entier en poudre, vinaigre, brisures de maïs 0,4%, flocons d’ORGE 0,4%, GRAINES DE SESAME 0,4%, extrait d’acérola. Peut contenir des traces d’OEUFS, FRUITS A COQUE et MOUTARDE.
(26 composants! )
Du jambon « supérieur » :
Ingrédients: Jambon de porc, couenne de porc, sel, bouillon de légumes (eau, CELERI, carotte, jus concentré de CELERI, oignon, poireau), fond de porc (eau, os de porc, viande de porc, épices), dextrose de maïs, antioxydant : ascorbate de sodium, conservateur : nitrite de sodium. (15 composants)
Des biscuits pour petit-déjeuner
Ingrédients : CEREALES 69,2 % [CEREALES complètes 42,3 % (flocons de SEIGLE malté 17,5 %, flocons d’AVOINE 15,2 %, sarrasin complet concassé 6,7 %, farine complète d’épeautre(BLE) 1 %, farine complète d’ORGE 1 %, farine complète de BLE 0,9 %), farine de BLE 26,9 %], sucre, huile de colza, sucre de canne, poudre à lever (carbonate acide de sodium, carbonate acide d’ammonium, diphosphate disodique), sel, minéraux (carbonate de magnésium, fer élémentaire), sirop d ORGE malté, émulsifiant (lécithine de SOJA), LAIT écrémé en poudre, vitamines [vitamine E, vitamine B1 (thiamine)]. PEUT CONTENIR OEUF, FRUITS A COQUE. 21 composants…
Une pizza « royale » surgelée:
Ingrédients : Farine de BLE, 24% purée de tomate, 19% FROMAGE (MOZZARELLA, GOUDA), 9,7% jambon cuit (viande de porc, eau, sel, dextrose, stabilisants (diphosphates, triphosphates, nitrite de sodium), antioxydant (ascorbate de sodium), extrait d épices, arôme de fumée), 8,3% champignons, huile de colza, eau, levure de boulangerie, sel, sucre, herbes aromatiques, amidon modifié, poivre, arôme, ail, arôme de fumée, gingembre. 26 composants…
Comment les reconnaître?
Un point commun entre tous ces produits (que je n’ose pas nommer aliments): un nombre d’ingrédients pléthorique (du pain contient normalement de la farine, de l’eau, du sel, de la levure ou pour les biscuits, farine, sucre, beurre, oeuf et parfois chocolat ou raisins secs), des composants que nul ne possède dans sa cuisine ou ne souhaite acheter (je n’ai pas de sirop d’orge malté ou d’arôme fumée dans mes placards)…
Un autre indice: quel est l’aspect du produit fini? si vous ne reconnaissez plus l’aliment d’origine, méfiance!
Par exemple, les pétales de maïs (Corn flakes) n’ont plus qu’une parenté éloignée avec les grains de maïs…
Des produits de faible qualité nutritionnelle
Comparés à des produits qui ne sont pas ultra-transformés, les AUT sont préoccupants: peu de protéines (-150%), peu de fibres (-30%), davantage de glucides (+ 15%), une quantité de sucres (+250%!), de sel et de graisses , surtout saturées), préoccupante (+30%) . (un lien ici)
En ce qui concerne les vitamines et minéraux, les AUT sont 2 à 3 fois moins riches en potassium, calcium, zinc, magnésium, phosphore, vitamines A, D, B6 et B12. Ils contiennent un peu de plus fer que les aliments non ultra-transformés, et à peu près autant de vitamines C et B1.
ref 6, ref 7.
Des additifs préoccupants
Un nombre impressionnant d’additifs sont autorisés: 250 molécules différentes (par curiosité, le lien vers les additifs autorisés dans l’UE, et ceux autorisés aux USA)… Les doses autorisées pour chaque additif pris isolément sont très inférieures aux doses qui auraient un impact sur la santé. (la position de l’OMS ici). Mais on sait bien peu de choses sur les effets de ces additifs pris ensemble (« effet cocktail ») ou en même temps dans plusieurs aliments .
Pour ne citer que quelques uns de ces additifs controversés: le dioxyde de titane ( possiblement cancérigèneselon l’OMS), l’aspartame est controversé pour son effet sur le microbiote intestinal, le métabolisme et un potentiel effet carcinogène à long terme (ici, là, et là par exemple), les nitrites des charcuteries sont des cancérigènes connus aussi (ref 8 et 9)
Des procédés de fabrication qui produisent des substances toxiques
Notamment les acrylamides dus à la cuisson par procédé industriel dans les biscuits, pains, cafés, chips etc: ils sont classés comme génotoxiques (qui altèrent les gènes) par l’Agence Européenne de sécurité sanitaire. (ref 10)
Les repérer… et en consommer moins
Les effets délétères sur la santé commencent à être connus: un point dans un prochain article! (ref 3 à 5)
Auteur de l’article: Sabine Robin, docteur en Pharmacie, DU phyto-aromathérapie clinique, DU micronutrition exercice et santé.
L’auteur déclare ne présenter aucun conflit d’intérêt financier avec l’industrie pharmaceutique ou laboratoire ou fabricant de produits ou matériels médicaux.
Dernière mise à jour 22 juin 2018
Bibliographie
ref 1 Monteiro CA, Cannon G, Levy RB, Moubarac J-C, Jaime P, Martins AP, Canella D, Louzada ML, Parra D; with Ricardo C, Calixto G, Machado P, Martins C, Martinez E, Baraldi L, Garzillo J, Sattamini I. NOVA. The star shines bright. [Food classification. Public health]. World Nutrition January-March 2016, 7, 1-3, 28-38
ref2 Monteiro CA Nutrition and health. The issue is not food, nor nutrients, so much as processing. Punlic health nutrition 2009,12,5,729-731
ref3 Monteiro C The big issue is iltra-processing World nutrition November 2010 1, 6, 237-269
ref 4 Bielemann RM, Santos Motta JV, Minten GC, Horta BL, Gingante DP, Consumption of ultra-processed food and their impact on the diet of young adults. Revista Saude Publica 2015 49, 28,1-10
ref 5 Tavares LF, Fonseca SC, Garcia Rosa ML, Yokoo EM, . Relationship between ultra-processed food and metabolic syndrome in adolescents from a Brazilian family doctor program. Public Health Nutrition 2012, 15, 1,82-87
ref 6 J.C Moubarak, M.Batal, M.L Louzada, E. Martinez Steele, CA Monteiro Consumption of ultra-processed food predicts diet quality in Canada, Appetite 2017108 , 512-520
ref 7 Thibault Fiolet,, Bernard Srour, pharmacist, PhD , Laury Sellem, Emmanuelle Kesse-Guyot, Benjamin Allès, Caroline Méjean, Mélanie Deschasaux, Philippine Fassier, Paule Latino-Martel,Marie Beslay, Serge Hercberg, Céline Lavalette, Carlos A , Chantal Julia, Mathilde Touvier. Consumption of ultra-processed foods and cancer risk: results from NutriNet-Santé prospective cohort BMJ. 2018; 360: k322.
ref 8 Santarelli RL, Vendeuvre JL, Naud N, et al. Meat processing and colon carcinogenesis: cooked, nitrite-treated, and oxidized high-heme cured meat promotes mucin-depleted foci in rats. Cancer Prev Res (Phila) 2010;3:852-64.
ref 9 Bouvard V , Loomis D, Guyton KZ, et al. International Agency for Research on Cancer Monograph Working Group Carcinogenicity of consumption of red and processed meat. Lancet Oncol 2015;16:1599-600.
ref 10 Panel on Contaminants in the Food Chain Acrylamide in food. EFSA Journal 2015;13:4104