Si jolie et si vénéneuse! une fleur qui s’épanouit à l’automne… Elle devient rare, dans presque toutes les régions de France . Classée dans la liste rouge de l’UICN, elle est dans la catégorie des « préoccupations mineures », mais « vulnérable » en Haute-Normandie (2015) et elle a disparu de Bretagne.
Apollinaire ne la chanterait plus aujourd’hui, hélas.
Le colchique est une plante à la fois toxique et médicinale, illustrant parfaitement la théorie de Paracelse: toutes les choses sont poison, et rien n’est sans poison; seule la dose fait qu’une chose n’est pas poison.
Des noms et des lieux
Les noms vernaculaires comme toujours décrivent justement le cochique: Tue- chien ou tue-loup, safran des prés, flamme nue (la fleur sans les feuilles) qui a donné les imagés Dame nue ou Dame sans chemise…
Le nom même de colchique serait dérivé du grec κολχικον, de la Colchide, province d’Asie Mineure, patrie de la magicienne Médée et Mithridate, l’expert en …poisons (à qui nous devons aussi le terme de mithridatisation!)
Propriétés du colchique
Toute la plante est toxique: surtout, ne l’utilisez pas en tisane ou préparation « maison »! Dioscoride en dit déjà au premier siècle de notre ère: le bulbe tue par suffocation .
Le principe actif, la colchicine a causé quatorze décès en 2012-2013: le respect des précautions et contre-indications est essentiel, les surdosages demeurent trop fréquents (14% des patients en surdosage selon une étude de 2013) (1)
Les Grecs le connaissaient pour cette toxicité, et il est utilisé dès le Vème siècle dans l’empire byzantin pour traiter la goutte. Le principe actif , la colchicine, n’est isolé qu’en 1884 et la première synthèse n’a lieu qu’en 1963.
Aujourd’hui, la colchicine (mais pas le colchique, car il n’est pas possible de contrôler la dose ingérée sous forme d’infusion, décoction, macération, teinture réalisée « à la maison ») est encore utilisée dans le traitement de la goutte, dans le traitement de maladies plus rares: la malade de Behçet, la maladie périodique.
Les Colchiques
Le pré est vénéneux mais joli en automne
Les vaches y paissant
Lentement s’empoisonnent
Le colchique couleur de cerne et de lilas
Y fleurit tes yeux sont comme cette fleur-là
Violâtres comme leur cerne et comme cet automne
Et ma vie pour tes yeux lentement s’empoisonne
Les enfants de l’école viennent avec fracas
Vêtus de hoquetons et jouant de l’harmonica
Ils cueillent les colchiques qui sont comme des mères
Filles de leurs filles et sont couleur de tes paupières
Qui battent comme les fleurs battent au vent dément
Le gardien du troupeau chante tout doucement
Tandis que lentes et meuglant les vaches abandonnent
Pour toujours ce grand pré mal fleuri par l’automne
Guillaume Apollinaire, Alcools, 1913
Bibliographie succincte
1- La Revue Prescrire Avril 2014 Tome 34 n°366 p266
2- Jean Bruneton Pharmacognosie, phytochimie, plantes médicinales , 5ème édition, ED.Lavoisier Tec et doc
3 – Max Wichtl, Robert Anton Plantes thérapeutiques Tradition, pratique officinale, science et thérapeutique 2ème édition, Ed.Lavoisier, Tec et doc
4- Paul-Victor Fournier Dictionnaire des plantes médicinales et vénéneuses de France Éd. Omnibus
5- Marie-Antoinette Mulot herboriste diplômée Secrets d’une herboriste Éd.Dauphin
6- Codex medicamentarius gallicus Pharmacopée Française tome II, 6èmeédition, 1937
7- Jacques Fleurentin, Jean-Claude Hayon Des plantes toxiques qui soignent Ed. Ouest-France2011