Un peu de botanique
Linné en dénombrait 29 espèces, aujourd’hui les botanistes en répertorient environ 500.
Les saules communs en Europe du Nord sont les Salix purpurea, S.fragilis, S. alba pour les plus courants. Il s appartiennent à la famille des salicacées. Dans la même famille, on trouve les peupliers: chatons pendants pour les peupliers, dressés pour le saule. Il est habituel d’étêter les saules: ce sont des têtards. Ces saules têtards sont des habitats pour beaucoup d’animaux, mammifères, oiseaux… car la cicatrisation de la repousse crée des cavités et des excroissances naturelles: un véritable écosystème à lui seul! On nomme osiers les saules à rameaux longs et flexibles.
Une plante médicinale
Le saule est connu comme fébrifuge (qui fait baisser la fièvre) depuis l’Antiquité. Paracelse, qui a popularisé la théorie des signatures, remarque que le saule, qui habite les berges humides, soulage les rhumatismes aggravés par l’humidité.
La partie active est l’écorce de tige, les feuilles sont beaucoup moins concentrées.
Les chatons sont réputés anaphrodisiaques (qui calme les ardeurs sexuelles, décrit par Jacques Daléchamps au XVIème siècle), calmants et antispasmodiques.
Leur effet sédatif et anxiolytique est oublié aujourd’hui, mais en 1916, un médecin les recommandait contre « l’angoisse de guerre ».
Les saules contiennent tous des principes actifs analogues, de la famille de l’acide salicylique.
La décoction de saule est, comme l’aspirine, antiinflammatoire, fébrifuge, antalgique…
La décoction de saule est plus efficace que la quantité d’acide salicylique qu’elle renferme: c’est une nouvelle preuve de l’intérêt d’utiliser la plante plutôt que ses molécules actives isolées. L’ensemble des constituants de la plante agissent en synergie. On dit que « l’effet de la somme est supérieur à la somme des effets ».
Le principe actif du saule, d’abord nommé salicine a été idolé en 1825 par un pharmacien italien, Larizi. La molécule a ensuite été synthétisée: le saule a supplanté le coûteux quinquina en Europe.
Si la décoction de saule est peu irritante pour l’estomac, il n’en est pas de même pour l’acide salicylique: ce constat a conduit à synthétiser un produit dérivé, l’acide acétylsalicylique. La synthèse est réalisée en 1897 et le médicament commercialisé sous le nom d’aspirine … d’après une autre plante, la reine-des-prés (Spirea ulmaria) qui contient elle aussi un dérivé salicylé.
Les décoctions d’écorce de saule gardent un grand intérêt pour soulager maux de tête, inflammation, fièvre: moins agressif que l’aspirine, le saule est efficace. À réserver à l’adulte, contre-indiqué chez la femme enceinte, l’enfant (car pas de dosage possible), en association avec les anticoagulants, en cas d’allergie aux salicylés.
Vous pouvez préparer une teinture (une part d’écorce de tige pour 4 parts d’alcool), du vin de saule (50g par litre de vin blanc).
Les racines filtrent l’eau, le saule épure son environnement. Son système racinaire vigoureux protège les berges.
Gemmothérapie
C’est le bourgeon de Salix alba qui est utilisé en gemmothérapie., en macérât glycériné (MG).
Les indications du Saule en gemmothérpaie sont différentes de celles en phytothérapie.
Il s’oppose à l’anémie (c’est un remède complémentaire de Tamarix gallica et de Corylus avellana)
Sur le tube digestif, il améliore les irritations gastriques liées aux contrariétés, au stress.
Et on retrouve l’usage traditionnel anxiolytique, sédatif et anaphrodisiaque.
Et puis l’inutile et le superflu (ou pas)
Une longue histoire
Dans la mythologie grecque, la Saule est dédié à Hécate (Ἑκάτη), une déesse de la Lune.
Dans le Bible, les branches de saule servent à fabriquer les thyrses de la fête des Tabernacles.
Et le nom latin attribué par Linné au Saule pleureur, Salix babylonica, vient aussi de la Bible: les branches du Saule ont abrité les lamentations des Juifs captifs à Babylone (Psaume 137)
Un arbre de vannerie
Tout osier est saule, mais tout saule n’est pas osier, dit-on.
L’osier est le rejet de l’année du saule, les plus réputé pour cet usage sont des saules aux rameaux particulièrement flexibles, signe d’une adaptation aux contraintes extérieures: crues, forts courants. Leurs rameaux ploient sans casser.
Les jeunes tiges sont tressées avec leur écorce: osier brut, ou décortiquées.
Les jardiniers plantent des haies d’osier vivant: ce sont de longues boutures de saule, tressées lors de leur plantation.
et d’autres usages inattendus
Les Amérindiens utilisaient les rameaux du Saule blanc pour se brosser les dents, et l’écorce interne déchiquetée pour fabriquer des couches et des serviettes hygiéniques.
Dernières volontés
Alfred de Musset , 1830:
Mes chers amis, quand je mourrai,
Plantez un saule au cimetière.
J'aime son feuillage éploré;
La pâleur m'en est douce et chère,
Et son ombre sera légère
A la terre où je dormirai.
Son souhait fut exaucé, mais le sol du Père-Lachaise ne se prête pas à la culture du saule… l’arbre est régulièrement remplacé!
Toponymie et patronymes
Un lieu planté de saules est une saussaie, et les communes de Saulchoix ou de Saulx , Le Sauze ou La Sauzaie, tirent leur nom du Saule, tout comme les noms de famille Duchaussoy, Le Saux…
Le mot de la fin
à Jean de La Fontaine
L’enfant et le maître d’école
Dans ce récit je prétends faire voir
D’un certain sot la remontrance vaine.
Un jeune enfant dans l’eau se laissa choir,
En badinant sur les bords de la Seine.
Le Ciel permit qu’un saule se trouva,
Dont le branchage, après Dieu, le sauva.
S’étant pris, dis-je, aux branches de ce saule,
Par cet endroit passe un Maître d’école.
L’Enfant lui crie : « Au secours ! je péris. «
Le Magister, se tournant à ses cris,
D’un ton fort grave à contre-temps s’avise
De le tancer : « Ah! le petit babouin !
Voyez, dit-il, où l’a mis sa sottise !
Et puis, prenez de tels fripons le soin.
Que les parents sont malheureux qu’il faille
Toujours veiller à semblable canaille !
Qu’ils ont de maux ! et que je plains leur sort ! «
Ayant tout dit, il mit l’enfant à bord.
Je blâme ici plus de gens qu’on ne pense.
Tout babillard, tout censeur, tout pédant,
Se peut connaître au discours que j’avance :
Chacun des trois fait un peuple fort grand ;
Le Créateur en a béni l’engeance.
En toute affaire ils ne font que songer
Aux moyens d’exercer leur langue.
Hé ! mon ami, tire-moi de danger :
Tu feras après ta harangue.
Bibliographie succincte
Breverton’s Complete herbal, based on Culpeper’s The English Physitian and Compleat Herball of 1653 Éd.Quercus
Jean Bruneton Pharmacognosie, phytochimie, plantes médicinales , 5ème édition, ED.Lavoisier Tec et doc
Michel Dubray Guide des contre-indications des principales plantes médicinales Ed.Lucien Souny
F.Dupont, J.-L. Guignard Botanique systématique moléculaire 14ème édition, Ed.Elsevier-Masson
Jacques Fleurentin, Jean-Claude Hayon, Jean-Marie Pelt Des plantes qui soignent Ed. Ouest-France2018
Paul-Victor Fournier Dictionnaire des plantes médicinales et vénéneuses de France Éd. Omnibus
Gérard Guéniot, Franck Ledoux La phytembryothérapie, l’embryon de la gemmothérapie Ed.Amyris
Francis Hallé Stéphane Hette Frédéric Hendoux Les arbres amoureux Ed. Salamandre, 2018
Bill Laws Fifty plants that changed the course of History Firefly Books
Marie-Antoinette Mulot herboriste diplômée Secrets d’une herboriste Éd.Dauphin
Michel Pierre Les plantes du bien-être, les remèdes de A à Z éd. du chêne
Aline Raynal-Roques La botanique redécouverte Ed.Belin INRA 2008
Henriette Walter , Pierre Avenas La majestueuse histoire du nom des arbres Ed.Robert Laffont, 2017
Max Wichtl, Robert Anton Plantes thérapeutiques Tradition, pratique officinale, science et thérapeutique 2ème édition, Ed.Lavoisier, Tec et doc
Fernando Pitera di Clima, Marcello Nicoletti Précis de gemmothérapie . Fondements scientifiques de la méristémothérapie Ed Amyris 2018