Atropa belladonna Solanacées
Un peu de botanique
La belladone est une plante très toxique: mieux vaut apprendre à la reconnaître pour éviter les confusions.
C’est une plante herbacée vivace qu’on trouve dans les forêts clairsemées, les haies, les fossés. Elle atteint 1.3 m de haut. La tige porte des feuilles alternes regroupées par deux. Les fleurs sont brun à violet, à pétales soudés, en forme de cloche. Les fruits sont noirs, brillants, de la taille d’une petite cerise, le calice à 5 sépales reste au sommet du fruit.
Une plante toxique
Elle contient de la hyosciamine et de l’atropine (la formule chimique est la même). ce sont des alcaloïdes puissants qui bloquent certaines fonctions du système nerveux (parasympatholytiques).
La belladone ralentit le rythme cardiaque puis l’accélère, diminue les sécrétions ‘salive, larmes , sucs gastriques…), elle provoque une dilatation de la pupille et une paralysie de l’accommodation (c’est pourquoi on utilise des collyres à base d’atropine pour réaliser des examens ophtalmologiques ).
La plante est très toxique.
La plante est très toxique: l’ingestion de 2 à 5 baies est mortelle chez l’enfant, 10 à 20 chez l’adulte. En cas de doute sur une ingestion, il faut immédiatement appeler les secours.
En médecine, l’atropine est encore utilisée en réanimation, en ophtalmologie sous forme collyre. C’est un antidote spécifique des gaz de combat, des insecticides organophosphorés.
Et puis l’inutile et le superflu (ou pas)
Pourquoi ce nom de belladonna, belle dame?
AU XVIème siècle à Venise, de grands yeux étaient un critère de beauté: les femmes utilisaient un suc ou une infusion de belladone pour dilater leurs pupilles et se conformer aux critères esthétiques de l’époque.
Et pourquoi Atropa?
Il faut aller voir du côté de la mythologie grecque: les Moires sont au nombre de trois, ce sont les divinités du destin (chez les Romains, on les nommera les Parques): il y a là Clotho la fileuse, Lachesis celle qui répartit et Atropos l’implacable. C’est Atropos qui possède les ciseaux avec lesquels elle coupe le fil de la vie des humains. Le nom de genre attribué par Linné résume bien les effets de la plante.
Britannicus et Macbeth
Britannicus est-il mort empoisonné ? Néron a-t il fomenté le crime? Les historiens en débattent encore… Tacite relate que Locuste, l’empoisonneuse experte, a préparé la mort de l’empereur Claude, de là à ordonner la mort de son fils, le pas est vite franchi. Et l’Antiquité connaissait peu de poisons (mandragore, jusquiame, belladone, ciguë, muscarine), ce qui fait de la morelle furieuse la responsable idéale (si toutefois Britannicus est mort empoisonné, et non d’une rupture d’anévrisme consécutive à une violente crise d’épilepsie comme le suggèrent des historiens modernes).
Quant à Macbeth, roi d’Ecosse, il aurait remporté une bataille en abreuvant les troupes ennemies d’une boisson infusée de belladone: et le combat cessa faute de combattants (si vous me permettez cet anachronisme).
La belladone et les sorcières
La belladone était une plante de sorcières, une plante de magie noire, avec la mandragore, la jusquiame et la stramoine. Les sorcières s’en enduisaient les muqueuses pour engendrer un état hallucinatoire.
Selon la légende, des sorcières d’Italie offraient au voyageur un fromage contenant de la belladone: le voyageur malchanceux se changeait en bête de somme.
Les hallucinations provoquées par la belladone sont décrites par certains consommateurs qui affirment avoir été changés en loup, et ces cas de lycanthropie ont été décrits par les médecins du Moyen-Âge et de la Renaissance.
Un des effets de l’intoxication est de provoquer une logorrhée (faculté de parler sans s’arrêter): c’est aussi la plante que prenaient les Pythies de Delphes, pour favoriser leurs « visions » avant de rendre leurs oracles.
Des usages thérapeutiques
Aujourd’hui , la belladone n’est plus utilisée en tant que telle. Seule l’atropine (ou l’hyoscyamine) est encore présente en anesthésie-réanimation et en ophtalmologie.
Il y a un siècle, la belladone était largement prescrite, à doses précises: un répertoire thérapeutique de 1914 répertorie vingt et une formules contenant de la belladone, des cigarettes , des teintures, des pilules, des suppositoires, des poudres, des pommades… dans des indications qui découlent directement du mode d’action de l’atropine: asthme , anti spasmodiques , antitussifs… Beaucoup de médicaments actuels sont encore dits dits atropiniques, car ils miment l’action de l’atropine sur le système nerveux, même s’ils ne contiennent pas d’atropine: des anti spasmodiques, anti asthmatiques entre autres.
Le mot de la fin
à Jean Racine (1639-1699)
Britannicus, Acte IV, Scène IV
NARCISSE
Seigneur, j’ai tout prévu pour une mort si juste.
Le poison est tout prêt. La fameuse Locuste
A redoublé pour moi ses soins officieux :
Elle a fait expirer un esclave à mes yeux ;
Et le fer est moins prompt pour trancher une vie
Que le nouveau poison que sa main me confie.
Bibliographie brève
http://www.societechimiquedefrance.fr
Eric Birlouez Histoire des poisons, des empoisonnements et des empoisonneurs . Ed.Ouest-France 2016
Gaston Bonnier Les noms des fleurs trouvés par la méthode simple sans aucune notion de botanique. Librairie générale de l’enseignement 1951
Breverton’s Complete herbal, based on Culpeper’s The English Physitian and Compleat Herball of 1653 Éd.Quercus
Jean Bruneton Pharmacognosie, phytochimie, plantes médicinales , 5ème édition, ED.Lavoisier Tec et doc
Jacques Fleurentin, Jean-Claude Hayon Des plantes toxiques qui soignent Ed. Ouest-France 2011
Paul-Victor Fournier Dictionnaire des plantes médicinales et vénéneuses de France Éd. Omnibus
Félix Guirand Mythologie générale Librairie Larousse 1935
Jean Racine Britannicus Les classiques Larousse
G.Lyon et P.Loiseau Formulaire thérapeutique Masson et Cie 1914