Le coquelicot

Papaver rhœas Papavéracées

Champ d’avoine aux coquelicots Claude Monet 1890

Gentil coquelicot, dit la comptine: il se nomme aussi Ponceau, chaudière d’enfer, pavot-coq…

Un peu de botanique

Le coquelicot est une plante annuelle, messicole (pousse dans les champs de céréales à moissonner) et rudérale (pousse dans les décombres, en terrain calcaire). Il a disparu des cultures céréalières intensives, éliminé par les herbicides, mais pousse au bord des chemins, dans les friches, sur les talus et on les voit de nouveau en ville depuis la loi Labbé (interdiction faite depuis 2017 aux collectivités d’utiliser des pesticides pour l’entretien des espaces verts, des forêts ou des promenades accessibles ou ouverts au public et relevant de leur domaine public ou privé).

Observez bien sa fleur: les quatre pétales, un peu « chiffonés », portent une tache noire à la base. Le fruit est une capsule qui libère de nombreuses graines.

Une plante médicinale, et comestible

La coquelicot appartient à la famille des papavéracées, comme le pavot somnifère, mais nulle trace d’opium à chercher!

Les usages alimentaires

Ils sont oubliés, mais le coquelicot est une plante comestible: les jeunes feuilles se mangent en salade (elles n’ont pas un goût très marqué). Les graines peuvent être utilisées en condiment. Et le sirop de coquelicot peut parfumer les desserts.

Les usages médicinaux

On utilise les pétales séchés.

bonnes pratiques pour la cueillette

Si vous récoltez vous-même, veillez à éviter les bords de champs traités, les bords de route, les endroits fréquentés par les chiens du quartier… Pour débarrasser les pétales de leurs petits insectes, ne les rincez pas à l’eau, ils sont trop fragiles. Passez les dans une essoreuse à salade, ou une passoire. Il faut un peu de patience! Le séchage est délicat, étalez bien les pétales, ils ne devraient pas se toucher, dans un endroit bien ventilé. Plus le séchage est rapide, moins ils s’assombrissent et meilleure est la qualité de la drogue (on nomme drogue la plante médicinale séchée, sans connotation péjorative). Le Codex de 1937 précise que « la dessiccation fait virer la couleur au rouge foncé lie-de-vin ».

Et ayez la main légère dans la cueillette: ne prélevez qu’à des endroits où les coquelicots sont très abondants, et très petite quantité.

une tradition médicinale: la toux et le sommeil

Les vertus du coquelicot n’ont pas été validées par des études cliniques. Pourtant, son usage est bien établi.

Le coquelicot est une bon remède de la toux, surtout la toux sèche. On peut lui adjoindre en tisane de la mauve en fleurs ou feuilles, des feuilles de ronce, du bouillon-blanc (toujours en traitements courts). La tisane de coquelicot ne connaît pas de contre-indication. Il convient seulement d’éviter les fortes doses.

Le coquelicot fait partie des espèces pectorales (avec la violette, la mauve, la guimauve, le bouillon-blanc, et autrefois tussilage et pied-de-chat désormais interdits).

L’autre grande indication du coquelicot est l’insomnie et la nervosité, même chez l’enfant. Le Dorvault en donne un usage avec les graines: « Les Arabes dissipent l’insomnie en mangeant plusieurs fois dans la journée de la graine de coquelicot pilée dans du miel » (Dorvault 1945)

L’inutile et le superflu (ou pas)

La déesse des moissons

Dans la mythologie grecque, Déméter (Δημήτηρ) est la déesse des moissons et de l’agriculture. L’un de ses attributs est la fleur de pavot: il symbolise la terre, mais aussi le sommeil et l’oubli dans la mort, avant la renaissance.

Il est aujourd’hui le symbole de la lutte contre les pesticides, et d’un retour à des pratiques de culture moins polluantes: faut-il y voir le retour subreptice de Déméter?

Rouge comme un coq
Rouge comme un coq

L’étymologie de coquelicot se réfère au coq, fleur rouge comme sa crête. Coq que l’on retrouve aussi dans la coqueluche, avec sa toux qui ressemble au chant du coq. Et le coquelicot soulage aussi la toux coquelucheuse.

Et ce rouge du coquelicot est aussi celui du drapeau français, avec le bleu du bleuet et le blanc de la marguerite.

Les champs de bataille

Le coquelicot symbolise le sang des soldats morts au front (voir Le mot de la fin). On disait en effet qu’il pousse sur les anciens champs de bataille et que sa couleur viendrait du sang des morts.

La fleur des anges

En Provence, lors des processions de la Fête-Dieu (soixante jours après Pâques), on habille de blanc de jeunes enfants qui répandent des pétales de coquelicots sur le passage du Saint-Sacrement: pétales rouges comme le sang, jetés par des anges vêtus de blanc.

Meilleur que la fiente de mule

La médecine contemporaine ne recherche plus de remèdes aux vertus sudorifiques: le coquelicot avait une grande place dans cette famille de plantes, comme en témoigne un de ses anciens noms vernaculaires, chaudière d’enfer. Un botaniste français, Chomel, en vantait ainsi les propriétés, à la fin du XVIIème siècle: « plus efficace que le sang de bouc ou la fiente de mule »…

Le sirop de coquelicot
  • 250g de pétales de coquelicots
  • un demi-litre d’eau
  • du sucre

Une petite quantité, pour ne pas gaspiller ! Choisissez plutôt des petits flacons, pour éviter une longue conservation après ouverture. Vous pouvez l’utiliser pour la toux ou le sommeil (une cuillerée à café ou deux) et aussi pour colorer et aromatiser yaourts, porridges, salades de fruits…

Faire bouillir l’eau, y plonger les pétales de coquelicot et laisser macérer plusieurs heures. Filtrer en exprimant bien et peser le liquide obtenu. Ajouter même poids de sucre, porter à ébullition jusqu’à atteindre une température de 105°C, mettre en bouteilles.

Le mot de la fin

à John McCrea, médecin canadien, mort sur le front français en 1918. Le poème In Flandres fields a été publié en 1915. Il a tout de suite eu une grande popularité, et le coquelicot est devenu dans les pays du Commonwealth le symbole des soldats morts au combat. Il est toujours associé aux commémorations de l’ANZAC Day.

In Flanders fields the poppies grow
Between the crosses row on row,
That mark our place; and in the sky
The larks, still bravely singing, fly
Scarce heard amid the guns below.

We are the dead. Short days ago
We lived, felt dawn, saw sunset glow,
Loved and were loved and now we lie
In Flanders fields.

Take up our quarrel with the foe:
To you from failing hands we throw
The torch; be yours to hold it high.
If ye break faith with us who die
We shall not sleep, though poppies grow
In Flanders fields.

Dans les champs de Flandre, les coquelicots fleurissent
Entre les croix qui, une rangée après l'autre,
Marquent notre place ; et dans le ciel,
Les alouettes, chantant valeureusement encore, sillonnent,
À peine audibles parmi les canons qui tonnent.

Nous, les morts, il y a quelques jours encore,
Nous vivions, goûtions l'aurore, contemplions les couchers de soleil,
Nous aimions et étions aimés ; aujourd'hui, nous voici gisant
Dans les champs de Flandre.

Reprenez notre combat contre l'ennemi :
À vous, de nos mains tremblantes, nous tendons
le flambeau ; faites-le vôtre et portez-le bien haut.
Si vous nous laissez tomber, nous qui mourons,
Nous ne trouverons pas le repos, bien que les coquelicots fleurissent
Dans les champs de Flandre.

Bibliographie succincte

Breverton’s Complete herbal, based on Culpeper’s The English Physitian and Compleat Herball of 1653 Éd.Quercus

Jean Bruneton Pharmacognosie, phytochimie, plantes médicinales , 5ème édition, ED.Lavoisier Tec et doc

Michel Chauvet Encyclopédie des plantes alimentaires  Ed.Belin 2018

Codex medicamentarius gallicus Pharmacopée Française tome II, 6èmeédition, 1937

Dorvault L’officine, répertoire général de pharmacie pratique dix-huitième édition-bis, Vigot frères, éditeurs, 1945

Michel Dubray Guide des contre-indications des principales plantes médicinales  Ed.Lucien Souny

Jacques Fleurentin, Jean-Claude Hayon, Jean-Marie Pelt   Des plantes qui soignent Ed. Ouest-France2018

Paul-Victor Fournier Dictionnaire des plantes médicinales et vénéneuses de France Éd. Omnibus

Marie-Antoinette Mulot herboriste diplômée  Secrets d’une herboriste Éd.Dauphin

Yves Vanopdenbosch Saints et simples. Ed.Amyris 2014

Auteur de l’article: Sabine Robin, docteur en Pharmacie, DU phyto-aromathérapie clinique, DU micronutrition exercice et santé.

L’auteur déclare ne présenter aucun conflit d’intérêt financier avec l’industrie pharmaceutique ou laboratoire ou fabricant de produits ou matériels médicaux.

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