Un bel arbre et un fruit apprécié, mais aussi riche de vertus médicinales.
Un peu de botanique
Le noyer Juglans regia appartient à la famille des Juglandacées. C’est un grand arbre, qui peut atteindre 30m de hauteur avec un tronc de 2m de diamètre. Il porte ses bourgeons brun-noir en fin d’hiver, les feuilles sont composées de 5 à 9 folioles. Les chatons peuvent mesurer jusqu’à 15 cm.
Le fruit, le noyau et la graine
La noix entière avec son enveloppe: c’est le fruit, une drupe pour les botanistes.
La noix écalée, avec sa « coquille »: c’est le noyau. Le mot latin nucleus a fini par désigner la graine de n’importe quel fruit à coque, c’est ainsi qu’on parle de noix de cajou, de noix de Pécan… puis le noyau de n’importe quel fruit, et bien plus tard, le noyau des atomes: ou comment l’on passa des noix à la physique nucléaire.
La noix décortiquée en cerneaux: c’est la graine.
Récolte
Si vous souhaitez récolter vos feuilles de noyer, la meilleure période est le début d’été. Il convient de détacher les folioles et de les faire sécher en couche mince afin de pas les remuer. Le brou se recueille en août, il noircit en séchant.
Une plante alimentaire
Les noix
Les noix sont exceptionnellement riches en lipides (plus de 50%), principalement des acides gras insaturés, dont le précieux acide α-linolénique (ce qui explique son rancissement rapide). C’est un aliment très énergétique (600-700 kcal aux 100g), mais avec peu de glucides et un index glycémique bas, elle contient aussi des protéines en bonne proportion (15%).
Du côté des minéraux, retenons une belle teneur en manganèse, en cuivre, en phosphore, en magnésium, en zinc et en ce qui concerne les vitamines, celles du groupe B (dont l’acide folique) et la vitamine E, anti-oxydante.
En quantité modérée, une graine à intégrer à vos repas!
La noix se consomme le plus souvent sèche. En Grèce, les jeunes noix, avec leur brou, sont confites au miel: c’est l’ancêtre du nougat. Mais ce dessert était préparé à base d’amandes au Moyen-Orient, et c’est cette dernière recette qui a été généralisée en France , dans la région de Montélimar au XVIIème siècle, par Olivier de Serres.
En Angleterre, on les conservait au sel et au vinaigre.
L’huile de noix
L’huile de noix a un profil lipidique très intéressant: riche en acides gras insaturés, notamment en acide α-linolénique, et pauvre en acides gras saturés. Elle représente un apport intéressant en acides gras ω-3 et ω-6.
L’huile de noix a longtemps été une huile alimentaire de base, car elle ne nécessite pas de raffinage. Les moulins étaient souvent collectifs, chaque famille apportant ses noix.
Elle a longtemps été recommandée comme vermifuge, notamment contre le tenia, sans que des études bien conduites le confirment aujourd’hui: mieux vaut s’en tenir aux remèdes éprouvés.
Une plante médicinale
En phytothérapie moderne, on utilise les folioles séchées.
Des propriétés anti diarrhéiques
L’infusion de feuilles est un anti diarrhéique par ses tanins, et antibactérien par la juglone. Très astringente, elle n’est pas agréable à boire. Il existe des extraits secs et des gélules de poudre, plus faciles d’utilisation, ainsi qu’un extrait glycériné de feuilles à diluer dans l’eau.
Démangeaisons et inflammations de la peau
L’huile de noix était en Angleterre surnommée « arsenic végétal », non à cause d’une quelconque toxicité, mais parce qu’on l’employait pour soulager des eczémas, comme on le faisait de l’arsenic.
On utilise la décoction en applications locales, sur des piqûres d’insectes, pour cicatriser des petites écorchures, des crevasses… ainsi qu’en bains de pieds et de mains, pour réduire une transpiration excessive. C’est aussi un bon remède pour les irritations du cuir chevelu, accompagnées ou non de pellicules.
Antalgique dans les affections de la bouche et du pharynx
C’est un usage qui était déjà attesté au XVIIème siècle: le brou (l’enveloppe verte de la noix) cuit dans du miel est un remède des plaies de la bouche et des inflammations de la gorge et de l’estomac (Culpeper).
Aujourd’hui, c’est l’infusion qui est utilisée dans cette indication, en bains de bouche ou en gargarismes.
insuffisance veineuse et hémorroïdes
La décoction est traditionnellement conseillée pour soulager jambes lourdes et hémorroïdes, on peut aussi l’appliquer localement.
Un effet hypoglycémiant
Dès 1932, une thèse de médecine avait préconisé la tisane de feuilles de noyer dans le diabète . Des études récentes laissent entrevoir un effet hypoglycémiant: mais les études cliniques bien menées chez l’Homme manquent encore pour l’utiliser efficacement dans cette indication.
Précautions d’usage
En phytothérapie, le noyer ne doit pas être utilisé chez la femme enceinte. En cas d’utilisation sur la peau, éviter d’appliquer sur une grande surface de peau lésée ou une profonde écorchure. La juglone présente des effets néfastes sur les cellules in vitro: la tisane reste dépourvue de toxicité .
Le noyer ne présente pas de contre-indications aux doses recommandées, mais le traitement doit être limité à une semaine.(Cette restriction ne s’applique pas à la gemmothérapie). Comme toujours en auto-médication, une consultation médicale s’impose en l’absence d’amélioration rapide !
Le noyer en gemmothérapie
La gemmothérapie (ou phytembryothérapie ou méristémothérapie) utilise des macérâts glycérinés (MG) de parties jeunes de plantes . C’est une thérapie complémentaire de la phytothérapie et de l’allopathie, qui permet d’agir en profondeur et en douceur, pour rétablir l’équilibre physiologique. Dans le cas du noyer, il s’agit d’un macérat de bourgeons.
Le MG de noyer est le bourgeon des déséquilibres du microbiote intestinal, dans les suites de traitement antibiotique, associé si nécessaire à des probiotiques adaptés, dans des déséquilibres qui font intervenir ce microbiote: tout comme l’arbre protège son territoire, le MG noyer rétablit les défenses physiologiques. C’est ainsi un bourgeon des phénomènes allergiques, des inflammations de l’arbre respiratoire, de la peau, eczémas, psoriasis notamment, et de certaines maladies dites auto-immunes. Il agit aussi au niveau du pancréas.
L’inutile et le superflu (ou pas)
Aux origines
Le noyer est originaire des régions montagneuses d’Asie, jusqu’en Turquie, il disparaît ensuite lors d’une période glaciaire, pour réapparaître (les études palynologiques le prouvent) vers le IIème millénaire avant notre ère, probablement réintroduit à l’Âge de bronze .
Les enfants de Rome jouaient aux billes avec des noix: Ovide (43 av. JC – 17 ap JC) donne les règles du jeu. On a retrouvé des noix dans les ruines de Pompéi (79 ap JC).
De l’étymologie: prestige et broutille
Les Romains avaient baptisé le noyer, c’est dire son prestige, « gland de Jupiter » (Jovis glans) , qui est devenu Juglans . Et pour insister sur sa valeur exceptionnelle, il s’est vu qualifier de regia, royal. Le mot noix viendrait soit de nox, la nuit (le suc colore en noir), soit de nocere, nuire, car le noyer est nocif pour les plantes qui poussent à proximité.
Mais la coque de noix, séchée, s’appelle aussi brou, par extension, on nomme brou de noix la teinture obtenue par macération de ces écales. Et ce brou dont on faisait peu de cas devint broutille.
Les noix des uns et des autres
Pour les Germains, il s’agit de noix des Gaulois, c’est à dire des Romans et des Celtes, la Nux gallica, qui a donné l’anglais walnut et l’ancien français gaugue ou gauge et en picard, gueugue. En anglais , c’est aussi la noix des Perses ou la noix anglaise… et mieux vaut le préciser, car vous pourriez vous casser les dents sur une nut : le mot désigne un écrou.
Symboles et traditions
La noix symbolise la fécondité, l’abondance: on en répandait souvent devant les jeunes mariés.
Le noyer en revanche, avait moins bonne presse: il était hanté par les sorcières… et pourtant parfois classé dans les plantes de magie blanche (c’est-à-dire plantes plutôt bénéfiques). Est-ce parce qu’autour d’un noyer, peu de plantes peuvent se développer?
Dans la tradition grecque, il est lié au don de prophétie. Une légende veut qu’une jeune fille Artemis Carya, fut transformée en noyer, soit pour la protéger des ardeurs de Dionysos, soit pour châtier son impudicité…
Un arbre qui défend son territoire
Rien ne pousse sous le noyer! Un composé actif du noyer, la juglone, se répand dans le sol par le ruissellement des eaux de pluie, et inhibe le développement des autres plantes, qui restent chétives ou disparaissent. Ce phénomène est connu depuis l’Antiquité: les paysans avaient garde de ne planter les noyers qu’en bordure des chemins et des champs.
Une richesse économique
Charlemagne encourage la plantation de noyers, il existe une redevance sur la récolte des noix . Aux XIVème et XVème siècles, les ports de Rouen et Dieppe exportent de l’huile de noix (l’histoire ne dit pas comment la conservation de cette huile, qui rancit vite, était assurée).
Des peintres et des menuisiers
L’huile de noix est appréciée des peintres car elle sèche lentement. Le brou de noix fournit un colorant noir.
Le bois du noyer est apprécié pour sa qualité , pour la fabrication de meubles et d’armes.
La bogue encore verte contient un puissant pigment, rouge sombre à brun: le brou.
Une coloration capillaire naturelle
Le brou de noix macéré avec du fer pulvérisé est, dit-on, une teinture efficace pour cheveux blancs.
et les usages anciens
ils sont oubliés, à juste titre probablement:
des noix brûlées mêlées à du vin et de l’huile, arrêteraient la chute des cheveux; un morceau de brou soulagerait la douleur d’une carie dentaire; l’eau distillée des feuilles était réputée prévenir la peste, et guérir la surdité…
Dioscoride recommande l’huile de noix contre les vers intestinaux, mais pour Hildegarde de Bingen, c’est l’écorce qui convient, sauf pour le ténia, qui requiert les feuilles.
Le mot de la fin
revient à Jean-Pierre Claris Florian (1755-1794)
Une jeune guenon cueillit
La Guenon, le Singe et la noix 1792
Une noix dans sa coque verte ;
Elle y porte la dent, fait la grimace… ah ! Certe,
Dit-elle, ma mère mentit
Quand elle m’assura que les noix étaient bonnes.
Puis, croyez aux discours de ces vieilles personnes
Qui trompent la jeunesse ! Au diable soit le fruit !
Elle jette la noix. Un singe la ramasse,
Vite entre deux cailloux la casse,
L’épluche, la mange, et lui dit :
Votre mère eut raison, ma mie :
Les noix ont fort bon goût, mais il faut les ouvrir.
Souvenez-vous que, dans la vie,
Sans un peu de travail on n’a point de plaisir
“
Bibliographie succincte
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Jean Bruneton Pharmacognosie, phytochimie, plantes médicinales , 5ème édition, ED.Lavoisier Tec et doc
Michel Chauvet Encyclopédie des plantes alimentaires Ed.Belin 2018
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Michel Dubray Guide des contre-indications des principales plantes médicinales Ed.Lucien Souny
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Paul-Victor Fournier Dictionnaire des plantes médicinales et vénéneuses de France Éd. Omnibus
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Auteur de l’article: Sabine Robin, docteur en Pharmacie, DU phyto-aromathérapie clinique, DU micronutrition exercice et santé.
L’auteur déclare ne présenter aucun conflit d’intérêt financier avec l’industrie pharmaceutique ou laboratoire ou fabricant de produits ou matériels médicaux.