L’achillée millefeuille Achillea millefolium
Un peu de botanique
L’achillée appartient à la famille botanique des Astéracées (comme le pissenlit ou les camomilles par exemple). C’est une plante herbacée, cosmopolite
Ses noms vernaculaires la résument bien: sourcil-de-Vénus en référence à sa feuille finement découpée, herbe-à-la-coupure, herbe de Saint-Jean (mais beaucoup d’autres plantes sont aussi des herbes de Saint-Jean…), herbe-de-Saint-Joseph ou herbe-des-charpentiers pour ses vertus cicatrisantes. On en dénombre une douzaine d’espèces différentes.
Une plante médicinale
La drogue (la partie active) est la sommité fleurie ou la feuille.
En tisane, elle est tonique digestive, hémostatique (arrête les saignements, épistaxis = saignement de nez notamment), anti hémorrhoïdaire. Elle a la réputation de « faire venir les règles » qui sont « bloquées » suite à une émotion forte ou coup de froid. C’est une plante des règles douloureuses, en tisane associée à la matricaire , l’alchémille ou la bourse-à-Pasteur selon les cas. Dorvault précise en 1942 que « la décoction concentrée de millefeuille est employée par les habitants de certaines contrées de l’Italie dans le traitement des fièvres intermittentes ». Cette propriété de fébrifuge était connue dès le Moyen-Âge.
Une précaution à connaître: si vous voyez apparaître boutons ou plaques rouges sur la peau lors de la cueillette ou après une ou deux tasses de tisane, n’en consommez plus. C’est très rare, mais le signe d’une intolérance ou d’une allergie.
En usage externe, l’achillée est un traitement d’appoint des démangeaisons, elle adoucit la peau. On mettait jadis des cataplasmes d’achillée pour cicatriser des plaies qui ne saignent plus, pour soulager les contusions, les gerçures et les crevasses.
Un hydrolat anti inflammatoire et antalgique
L’hydrolat (ou eau florale) présente une parfaite sécurité d’utilisation, à condition de choisir un produit de qualité: pour un usage cosmétique, la présence de conservateurs est tolérée (même avec un label bio), mais pour un usage par voie orale, il est nécessaire de trouver un hydrolat sans conservateur (sa conservation après ouverture ne dépasse pas quelques semaines selon le conditionnement, au réfrigérateur).
L’hydrolat d’achillée par voie orale, dilué dans une eau pure, fait partie des traitements des règles douloureuses. La posologie, le moment de la prise doivent être adaptés en fonction de chaque patiente.
En usage externe, l’hydrolat d’achillée soulage les gerçures des mamelons pour les mamans qui allaitent (à la différence de la tisane ou des extraits, l’hydrolat peut être utilisé durant l’allaitement). C’est un excellent hémostatique (il arrête le saignement) sur toutes les petites coupures (rasage…). C’est aussi un hydrolat adapté en cas de couperose, de rougeurs sur le visage.
Quelques sages précautions
L’achillée ne présente de toxicité majeure, un risque d’allergie est toujours possible avec les plantes de la famille des Astéracées. Par prudence, on ne l’utilise ni chez l’enfant de moins de 12 ans, ni chez la femme enceinte ou allaitante, ni en cas d’allergie à une plante de sa famille botanique.
La médecine vétérinaire l’a longtemps recommandée contre la gale des moutons, avant l’avènement des insecticides et parasiticides chimiques.
et des pistes de recherche
L’utilisation traditionnelle de l’achillée intéresse les chercheurs: beaucoup d’études sont menées dans domaines divers, souvent in vitro, parfois avec des patients. Il ne s’agit encore que de résultats préliminaires. Un des domaines prometteurs est la neurologie, avec des études sur l’épilepsie, la maladie de Parkinson, la maladie d’Alzheimer, la sclérose en plaques: pour cette maladie, une petite étude laisse espérer un bénéfice en associant des extraits d’achillée au traitement conventionnel, permettant peut-être une réduction du nombre de poussées. Un autre domaine confirme l’indication traditionnelle: une amélioration des symptômes de l’intestin irritable, en associant l’achillée à du gingembre et de l’encens. Ces études sont encourageantes, mais pour l’instant ne permettent pas de mettre en œuvre de nouveaux traitements en pratique courante.
L’inutile et le superflu (ou pas)
Une plante qui a connu la guerre de Troie!
ou comment le guerrier Achille donna son nom à une délicate fleur…
On raconte que le centaure Chiron enseigna à Achille comment préparer un onguent qui guérirait les plaies de ses soldats lors du siège de Troie: et il nomma la plante en l’honneur de son illustre élève.
Une autre version relate que le grand Achille, toujours lui, fit tomber la rouille et la poussière de sa lance, qui se transforma en une jolie plante capable de guérir les blessures…
La bravoure d’Achille se serait transmise à la fleur: on raconte que porter un bouquet d’achillée empêche de ressentir la peur.
C’est une plante connue depuis l’Antiquité, dont la récolte était parfois entourée de rituels magiques, notamment chez les Celtes.
Un philtre d’amour?
Côté magie, retenons que des sachets d’achillée attirent l’amitié et garantissent un amour d’au moins sept années. Un bouquet au-dessus du lit nuptial, et c’est sept ans d’amour assuré!
Au XIIIème siècle, Albert le Grand révèle une technique infaillible pour les pêcheurs: se frotter les mains avec du suc d’achillée et les plonger dans la rivière. Elles agiront comme des aimants pour les poissons! Je vous laisse vérifier!
Le même auteur affirme qu’un bouquet d’achillée sur le berceau d’un nourrisson protège son âme. Cet effet de protecteur est retrouvé en Irlande: le 24 juin, à la Saint-Jean-Baptiste, il est de coutume de pendre des bouquets d’achillée dans les maisons pour se protéger des maladies.
L’achillée était recherchée par les alchimistes, pour la rosée retenue dans ses feuilles découpées, nommée eau céleste.
Connue aussi en Chine, les tiges séchées servaient à la divination.
Avant le développement du houblon, l’achillée entrait dans la composition de la bière. Au Moyen-Âge, les vignerons auraient utilisé les graines en guise de conservateur.
Les jeunes feuilles hachées sont un condiment qui aromatise des liqueurs, mais aussi fromage blanc, beurre ou salades. Veillez simplement à bien choisir l’endroit de la cueillette.
Une plante qui soigne aussi …les autres plantes
L’achillée attire les insectes pollinisateurs.
Plantée près de végétaux malades, les sécrétions de ses racines augmentent la résistance des plants voisins. Cultiver des achillées en bordure de vergers attire les prédateurs des parasites des pommiers: simple, efficace, économique et non polluant!
Les anciens ne s’y trompaient pas, en brûlant des feuilles pour repousser les insectes indésirables, dans les étables et les maisons.Ses feuilles sont un excellent accélérateur de compost. Une infusion de feuilles d’achillée est un engrais et un fongicide , contre le mildiou et certaines maladies fongiques.
Pour aller plus loin
Ayoobi, F. et al. Bio-effectiveness of the main flavonoids of Achillea millefolium in the pathophysiology of neurodegenerative disorders- a review. Iran J Basic Med Sci20, 604–612 (2017).
Ayoobi, F. et al. Achillea millefolium is beneficial as an add-on therapy in patients with multiple sclerosis: A randomized placebo-controlled clinical trial. Phytomedicine52, 89–97 (2019).
Becker, L. C. et al. Safety Assessment of Achillea millefolium as Used in Cosmetics. Int. J. Toxicol.35, 5S-15S (2016).
Breverton’s Complete herbal, based on Culpeper’s The English Physitian and Compleat Herball of 1653 Éd.Quercus
Jean Bruneton Pharmacognosie, phytochimie, plantes médicinales , 5ème édition, ED.Lavoisier Tec et doc
Dorvault L’officine, répertoire général de pharmacie pratique dix-huitième édition-bis, Vigot frères, éditeurs, 1945
Michel Dubray Guide des contre-indications des principales plantes médicinales Ed.Lucien Souny
Christian Duraffourd, Jean-Claude Lapraz Traité de phytothérapie clinique. Médecine et endobiogénie. Éd. Masson
Michel Faucon Traité d’aromathérapie scientifique et médicale Les hydrolats Fondements, approches sensorielles et aide à la prescription Sang de la Terre 2018
Michel Faucon Traité d’aromathérapie scientifique et médicale Sang de la Terre
Paul-Victor Fournier Dictionnaire des plantes médicinales et vénéneuses de France Éd. Omnibus
Paul Goetz, François Hadji-Minaglou Conseil en phytothérapie, guide à l’usage du prescripteur. Lavoisier tec&doc
Kazemian, A. et al. Evaluating the efficacy of mixture of Boswellia carterii, Zingiber officinale, and Achillea millefolium on severity of symptoms, anxiety, and depression in irritable bowel syndrome patients. J Res Med Sci22, (2017).
Florence Laporte Les plantes des druides. Éd. Rustica 2018
Rodríguez-Gasol, N. et al. The Contribution of Surrounding Margins in the Promotion of Natural Enemies in Mediterranean Apple Orchards. Insects10, (2019).
Didier J.Roguet Symboles et sentiments. Secrets de plantes ED.Presses du belvédère. Conservatoire et jardin botaniques Genève .2019
Yves Vanopdenbosch Saints et simples, plantes médicinales entre terre et Ciel Ed.Amyris 2014
Auteur de l’article: Sabine Robin, docteur en Pharmacie, DU phyto-aromathérapie clinique, DU micronutrition exercice et santé.
L’auteur déclare ne présenter aucun conflit d’intérêt financier avec l’industrie pharmaceutique ou laboratoire ou fabricant de produits ou matériels médicaux.