Le riz

Si tu prévois pour un an, sème du riz. Si tu prévois pour dix ans, plante des arbres. Si tu prévois pour une vie, instruis les enfants. »

Proverbe népalais
Rizière
Rizière en terrasse, Vietnam

Un peu de botanique

Le riz, Oryza sativa est une plante de la famille des Poacées (anciennement Graminées), la grande famille des céréales (à l’exception notable du sarrasin qui appartient aux Polygonacées). C’est le riz dit asiatique, le plus courant. Il existe une autre espèce cultivée, O. glabberrina, c’est le riz africain .

En botanique, le grain de riz s’appelle caryopse.

D’autres plantes sont abusivement nommées « riz »: le riz sauvage est en réalité une zizanie Zizania aquatica, Z. latifolia, Z.palustris le riz sauvage proprement dit est souvent considéré en revanche comme une mauvaise herbe des rizières.

Rizière Japon
Rizière dans la région d’Hokkaido (Japon) Photo Farmers on my road

D’origine tropicale, le riz se cultive sous des climats très divers: il s’adapte aux moussons comme au climat plus froid du Japon , à Hokkaïdo par exemple, il gèle plus de 220 jours par an.

Il existe deux grands modes du culture du riz: la culture sèche en montagne, la culture inondée , soit dans des lits de rivières, soit par irrigation, la profondeur de l’eau pouvant atteindre 5 mètres. Dans les rizières de ce type, il faut un riz aux propriétés particulières: le riz flottant a une croissance rapide, jusqu’à 15 cm par jour!

Une plante alimentaire

Le riz est l’aliment de base de 60% de l’humanité. Les principaux producteurs sont la Chine et l’Inde , qui à elles seules fournissent la moitié des récoltes mondiales.

Le riz contient beaucoup de glucides, un peu de protéines et des traces de lipides, et le riz complet des polyphénols (anti oxydants) en petite quantité.

Teneurs pour 100gGlucidesProtéinesVitaminesMinéraux
Riz blanc
sec
78g
(fibres: 1g)
7gB1 0,15mgCa 33mg
Mg 31mg
P 118mg
K 121mg
Riz blanc
cuit
32g
(0,5g)
3gB1 0,03mgCa 14mg
Mg 7 mg
P 35mg
K 16mg
Riz complet
sec
72g
(fibres 5g)
7,5gB1 0,26mgCa 11mg
Mg 118mg
P 163mg
K 219 mg
Riz complet
cuit
32g
(fibres 2g)
3gB1 0,065mg
Ca 13mg
Mg 49mg
P 120mg
K 43mg
Ciqual.
Ca Calcium, Mg magnésium, P phosphore K potassium
apports recommandés en B1: 1,1 – 1,2 mg/jour

La teneur en protéines du riz cuit n’est pas très élevée , et comme pour la plupart des céréales, les protéines sont déficitaires en lysine (un acide aminé essentiel). Pour maintenir un apport protéique de qualité, associez toujours le riz (ou les céréales) à des légumineuses (comme les lentilles, pois, haricots secs): elles contiennent la lysine manquante. Comme la nature fait bien les choses, les céréales en revanche contiennent de la méthionine (autre acide aminé indispensable) dont les légumineuses sont dépourvues. Autre solution: une petite part de viande, œuf, poisson ou produit laitier , ou de fruits à coque (amandes, noix etc) apportera les acides aminés manquants.

Du riz blanc apporte donc des glucides, mais peu de minéraux: ils sont plus concentrés dans l’enveloppe du grain, et disparaissent lors du polissage.

Les fibres, les vitamines (du groupe B) se trouvent principalement dans l’enveloppe du grain : elles disparaissent en grande partie lors du raffinage. Il est préférable d’un point de vue nutritionnel de consommer du riz complet, mais comme rien n’est simple, le riz complet contient davantage de polluants que le riz blanc, notamment de l’arsenic et du cadmium, selon la nature du sol où il est cultivé. Encore une fois, l’alimentation saine passe par la variété: alternez les céréales et les grains apparentés, osez goûter des variétés moins familières (connaissez-vous l’orge, l’épeautre, le seigle, le sarrasin, l’amarante, l’avoine par exemple?) , choisissez l’ origine géographique de vos aliments.

La consommation de riz blanc, poli, débarrassé de ses téguments, s’est développée rapidement en Asie au XIXème siècle. Parallèlement, le nombre de cas de béri-béri a explosé: cette maladie, qui entraîne une extrême fatigue, des troubles cardiaques et neurologiques, est due à une carence en thiamine et en vitamines du groupe B, en minéraux, présents dans l’enveloppe du grain . En Malaisie occidentale (alors Indes néerlandaises), le béri-béri a emporté de nombreux ouvriers chinois, dont l’alimentation était basée sur du riz décortiqué mécaniquement, alors que les malais, qui consommaient un riz décortiqué manuellement, dont l’enveloppe était mieux préservée, ont été épargnés.

Faire tremper le riz complet

C’est une pratique qui s’est un peu perdue, mais que je vous recommande vivement: le riz complet contient, comme les autres céréales, une substance naturelle , la phytine ou acide phytique. Elle joue le rôle de chélateur (ou « anti-nutriment »): elle « piège » d’autres nutriments (vitamines et minéraux). Elle est stable à la chaleur, mais disparaît par fermentation (un pain au levain naturel est ainsi plus nutritif qu’un pain à la levure). En ce qui concerne le riz complet, il suffit de le faire tremper quelques heures dans une eau légèrement acide (un peu de jus de citron) avant la cuisson pour réduire sa teneur en phytine.

Préoccupations sanitaires: cadmium et arsenic

Le cadmium

Le cadmium est un métal lourd toxique, on ne lui connaît pas de fonction physiologique. Il est impliqué chez l’Homme dans le développement de maladies rénales, d’ostéoporose, de cancers. En Chine, c’est une préoccupation importante, les apports en cadmium alimentaire ont doublé en 25 ans, reflet d’une industrialisation rapide sans accompagnement environnemental, acidification des sols par l’utilisation massive d’engrais azotés.

L’apport alimentaire en cadmium provient majoritairement de la consommation de riz. S’agissant d’un problème de santé publique, des techniques de phytoremédiation sont à l’étude: par exemple l’inoculation de bactéries spécifiques dans le sol pour réduire l’accumulation de cadmium dans les grains de riz. La lutte contre l’acidification des sols dans les rizières inondées passe par un chaulage régulier, ce qui permet de diminuer la teneur en cadmium dans le grain de riz. Cette technique présente en outre l’avantage de réduire aussi la teneur en plomb, et l’émission de méthane (gaz à effet de serre) et de N2O .

L’arsenic

L’arsenic, poison bien connu! Certes, Emma Bovary n’aurait pu se suicider avec un bol de riz, mais ce sont les expositions répétées qui sont préoccupantes. L’arsenic est associé à une augmentation du risque de diabète type 2, du risque de développer des maladies cardio-vasculaires, certains cancers de la peau, de la vessie.

L’arsenic présent dans les sols ou les eaux d’irrigation s’accumule dans le riz. Le traitement par polissage, la cuisson à grande eau réduit la concentration en arsenic, mais aussi ses qualités nutritionnelles.

Des pratiques de permaculture en plein essor

Du poisson et des canards dans les rizières

Moins d’insecticides avec les poissons

permaculture, poissons, riz
Co-culture en Chine

Comme la plupart des monocultures, la riziculture est gourmande en pesticides. Des solutions moins polluantes, et plus rentables, voient peu à peu le jour: associer dans la rizière des poissons et le riz. La synergie fonctionne: pour un rendement optimal, il faut beaucoup moins de pesticides avec l’association « riz + poissons » qu’avec le « riz seul ». Les poissons, souvent des carpes, maîtrisent les maladies du riz (parasites, virus), mais sont sensibles aux pesticides habituellement utilisés , ce qui incite aussi à la modération . Et le revenu moyen du riziculteur est supérieur dans la rizière avec poissons. Un espoir pour une culture plus respectueuse de notre environnement.

Moins de gaz à effet de serre avec les canards

permaculture, riz, canards
CR: Permaculture research institute

Il s’agit de pratiques qui se développent en Chine centrale et au Vietnam: les canards ou des oies dans la rizière se chargent du désherbage, limitent le développement des parasites, des escargots, limaces… Il suffit de 15 jours aux canards pour « nettoyer » une rizière de ses adventices et des parasites. Le rendement en riz est un peu inférieur (8%) par rapport aux champs qui utilisent les pesticides et herbicides, mais la baisse du coût des traitements, de la main d’œuvre, augmente la rentabilité. Sur le plan environnemental, ce type d’association réduit la production de méthane, gaz à effet de serre, mais tend à augmenter la production de N2O. Des essais avec des grenouilles ont conduit à des résultats similaires

L’inutile et le superflu… ou pas

Une origine divine

Blé en Europe, riz en Asie: la symbolique est la même pour une nourriture essentielle. Dans toutes légendes d’Asie, il emplit les greniers, il pousse spontanément, jusqu’au jour où Ciel et Terre se séparent: la culture alors devient un fardeau. Au Japon, c’est un symbole d’abondance.

Une culture pluri-millénaire

Pour les archéologues, les premières traces de culture remontent à 5000 ans avant notre ère, en Chine, un millénaire plus tard en Thaïlande. Un texte ayurvédique établit déjà un classement de différentes variétés 1000 ans avant notre ère.

Rizière Italie
Italie. Rizière: culture inondée en plaine

Les Grecs connaissaient déjà le riz par les campagnes d’Alexandre le Grand. C’est alors en Europe un mets de luxe. Il se développe tardivement: en Italie, il se répand dans la plaine du Pô au XVème siècle. La culture est difficile, elle exige beaucoup de main d’œuvre, elle favorise le développement de la malaria. L’introduction du buffle en Italie date de cette époque: c’est le seul animal qui pouvait travailler les pieds dans l’eau.

buffles,
Les buffles en Italie : aujourd’hui élevés pour la production de lait destiné à la mozzarella au lait de bufflone.
Photo Notes from the saddle

L’introduction de la culture du riz en France est longue et difficile: elle n’aboutit pas entre le XVème et le XIXème siècle, à cause de la malaria, et parce que le riz ne fait partie des habitudes alimentaires; il faut attendre la Seconde Guerre Mondiale pour en voir le développement en Camargue dans le delta du Rhône.

Du vent, du sel, des chevaux, des taureaux. Et du riz

Rituels de protection

La monoculture dans les rizières est favorable au développement de nombreuses maladies (virus transmis par des pucerons, pourritures…) et présence envahissante d’espèces considérées comme nuisibles (rats, crabes, coléoptères qui peuvent détruire une récolte). Les mesures de protection traditionnelles ont toujours existé: offrande de fleurs au moment des premiers semis de la saison, mais aussi travail en vêtements d’une couleur recommandée par l’astrologue du village.

Dans l’assiette, mais pas seulement

La poudre de riz est simplement l’amidon de riz, en cosmétique souvent additionné de talc, d’amidon. Les formulaires anciens lui reprochent de « trop dégraisser la peau, et par suite de la dessécher » (Fournier). Son parfum était caractéristique, fleuri et doux, à base d’œillet et d’ambre.

Les chaumes de riz, verts au moment de la récolte, servent de fourrage.

La paille est utilisée pour la confection de nattes, sacs et chapeaux, et des balais de paille de riz. Cette paille est aussi le substrat pour la culture d’un champignon Volvariella volvacea: le champignon de paille, ingrédient courant de cuisine thaïe  เห็ดฟาง.

Le riz se transforme aussi en papier, souvent du papier à cigarette. Mais le « papier de riz » n’a rien à voir avec le riz: il est issu d’un arbre Tetrapanax papyferus.

On en fait aussi de la colle: facile à préparer à la maison, un produit absolument non toxique, mais qui ne se conserve pas, idéal pour les bricolages avec de jeunes enfants!

Au Japon, le genmaïcha 玄米茶 est un thé additionné de riz torréfié: il était nommé thé des pauvres, car le riz permettait de réduire la quantité de thé, trop onéreux.

Le riz sert à préparer des bières en Asie, des alcools (saké). L’eau de riz est la base de boissons onctueuses en Amérique latine, de la horchata en Espagne

Le mot de la fin

à Guy de Maupassant

Sous toutes ces senteurs diverses flottait un arôme léger de poudre de riz qui parfois disparaissait, reparaissait, qu’on retrouvait toujours, comme si quelque main cachée eût secoué dans l’air une houppe invisible. 

La femme de Paul (1881)

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(consulté le 1er juin 2020)

Auteur de l’article: Sabine Robin, docteur en Pharmacie, DU phyto-aromathérapie clinique, DU micronutrition exercice et santé.

L’auteur déclare ne présenter aucun conflit d’intérêt financier avec l’industrie pharmaceutique ou laboratoire ou fabricant de produits ou matériels médicaux.

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