Un arbre qui doit sa survie à la protection des hommes, un feuillage d’or en automne, et des propriétés médicinales incontestables: le Ginkgo biloba.
Un peu de botanique
Le Ginkgo biloba est la seule espèce de la famille des ginkgoacées.
C’est une espèce panchronique c’est-à-dire qu’elle est demeurée au fil du temps telle qu’apparue il y a environ 270 millions d’années (40 millions d’années avant les dinosaures!)
Des éventails ou des feuilles à deux lobes?
En observant un grand Ginkgo dans nos rues, on admire ses feuilles en forme d’éventail, mais rarement bilobées comme le laisse supposer le nom d’espèce donné par Linné: Gingko biloba. La forme des feuilles en effet évolue avec l’âge de l’arbre: un individu jeune a des feuilles bilobées, et en vieillissant, elles prennent la forme d’un éventail. La ville de Tokyo a adopté la feuille de ginkgo comme symbole de prospérité, charme et tranquillité.
Reproduction
Chaque individu est unisexué: sur les pieds mâles, les étamines libèrent le pollen, sur les pieds femelles, les ovules apparaissent au printemps, entourés d’un tégument ouvert à son sommet par un pore, le micropyle.
Ginkgo biloba, mâle (Parc de la Reynerie) Ginkgo biloba, ovules (Visioflora) Ginkgo biloba, ovules (Visioflora) Ginkgo biloba, ovules mûrs
La fécondation intervient seulement l’hiver suivant : les deux gamétophytes évoluent côte à côte, dans l’ovule qui s’est développé, parallèlement à un tissu de réserve (=endosperme) destiné à la nutrition d’un embryon.
Une fois la fécondation effectuée, aucune latence, aucune possibilité de ralentissement : d’où le caractère aléatoire de la reproduction, tout événement en été ou automne (climatique ou autre) interdit une fécondation ultérieure, de plus, l’embryon peut être tué au début de son développement, mais l’ovule se sera pourtant différencié, sans aucune utilité : cette production non corrélée à la nutrition d’une nouvelle génération représente un gâchis de synthèse biologique considérable.
Une plante médicinale
L’utilisation de Ginkgo en médecine traditionnelle est pluri millénaire: la première mention connue remonte à un traité de médecine chinoise de Shennong, au Ier siècle de notre ère, sous la dynastie de Han. L’usage banalisé sous forme d’extraits ou de compléments alimentaires n’a que quelques décennies: n’utilisez jamais de complément alimentaire ou de médicament à base de Ginkgo sans prendre l’avis d’un professionnel de santé.
Les indications du Ginkgo sont vasculaires: adjuvant aux traitements conventionnels des troubles artériels et veineux, troubles de la mémoire, acouphènes, vertiges, hémorroïdes.
Les grands espoirs suscités par l’utilisation des extraits de Ginkgo dans la maladie d’Alzheimer n’ont pas été confirmés. On utilise les extraits de feuille séchée, récoltée en fin d’été, période à laquelle la concentration en principes actifs est maximale.l’infusion n’est pas recommandée.
Un usage traditionnel : les amandes du Ginkgo ont été proposées pour le traitement de la tuberculose.
Attention aux interactions médicamenteuses
Il n’est pas recommandé de prendre du Ginkgo biloba si vous prenez un traitement anti hypertenseur ou antidiabétique, de l’aspirine , des anticoagulants (du groupe des antivitamine K, mais une interaction avec les autres groupes n’est pas à exclure), du clopidogrel, de l’oméprazole, de l’alprazolam.
Des précautions à respecter
Pas de Ginkgo chez la femme enceinte ou allaitante.
Interrompre le traitement au moins trois jours avant une intervention chirurgicale prévue.
Des effets indésirables possibles
Tout produit actif, qu’il soit naturel ou pas, peut engendrer des effets secondaires non souhaités. Le Ginkgo et ses extraits n’échappent pas à la règle. Une autre particularité est à prendre en compte, et rend plus délicate les notifications d’effets indésirables: beaucoup de produits contenant du Ginkgo ne sont pas protégés par la législation du médicament, et subissent peu de contrôles. Les analyses décèlent régulièrement des adultérations (addition de substances qui n’apparaissent pas dans la composition affichée du produit): difficile dans ces conditions d’attribuer avec certitude un effet indésirable à l’un ou l’autre des composants… Les effets décrits sont principalement des troubles digestifs, des saignements. Le déclenchement de convulsions chez des patients épileptiques ne peut être exclu. Des études in vitro et in vivo chez des Rongeurs ont montré une toxicité rénale et hépatique, et un effet mutagène.
L’inutile et le superflu…ou pas
Une longue histoire
Jusqu’à la fin du XVIIème siècle, les botanistes ne connaissaient que des empreintes fossilisées, de feuilles en éventails, plus ou moins découpées.
Grâce à l’étude des fossiles, on sait maintenant que le ginkgo n’a pratiquement pas changé depuis 150 millions d’années.
G.huttoni
Ces feuilles appartiennent à des arbres apparus à la fin du paléozoïque (il y a 300 millions d’années), qui ont continué à se développer pour connaître leur apogée au cours du jurassique et du crétacé (Il y a 100 millions d’années) et qu’on pensait disparus.
C’est le botaniste Engelbert Kaempfer qui, à la fin du XVIIème en découvre près d’un temple au Japon : il est cultivé depuis toujours par des moines bouddhistes en Chine , il a été exporté vers la Corée et le Japon dès le XIIème siècle. Cette sacralisation a probablement sauvé le ginkgo, qui n’existe pratiquement plus à l’état sauvage.
Engelbert Kaempfer a planté le premier ginkgo européen, à Utrecht, en 1730. En France, il a été planté à Montpellier pour la première fois en 1778.
Une transcription pas si simple
Quand Kaempfer découvre un gingko vivant, bien vivant , devant un temple japonais, il essaie de transcrire dans un alphabet latin le nom qui lui donnaient les moines: guingkyo. Son interprète transcrit en ginkgo, qui est le nom dans son propre dialecte. Et Linné de reprendre cette graphie: nous voici donc avec un Ginkgo, dont l’orthographe pose bien des soucis aux apprentis botanistes.
En anglais, on nomme aussi le ginkgo Maidenhair tree (l’arbre aux cheveux de jeune fille): c’est Kaempfer qui avait noté la similitude entre les feuilles de gingko et celles d’une fougère, la capillaire cheveux de Vénus.
Ginkgo biloba Andiantum capillus-veneris
Des abricots d’argent, des mirabelles dorées… mais un parfum pestilentiel
Le nom japonais dérive lui d’un nom composé chinois: 銀杏, qui réunit les idéogrammes 銀 , yín « argent » et 杏 xing « abricot »: yíinxing est ainsi l’abricot d’argent, en référence aux pseudo-fruits qui apparaissent au printemps sur les ginkgos femelles. Ils sont d’abord vert pâle et couverts d’une pruine blanchâtre qui leur confère une couleur argentée. À l’automne, ils prennent une belle teinte dorée, comme des mirabelles tombées au sol… mais leur odeur est repoussante: la partie charnue des ovules contient de l’acide butyrique (c’est le même composé qui donne son odeur au beurre rance). Le noyau en revanche contient une amande comestible, grillée dans la cuisine asiatique traditionnelle, mais dont la consommation doit rester mesurée, de l’ordre de quelques amandes chaque jour, et n’est pas recommandée pour les enfants. La préparation nécessite la fermentation du fruit pour accélérer la décomposition de la pulpe . Les noix fraîches sont disponibles sous le nom de « noix blanches » dans les épiceries chinoises.
Pour les plus téméraires et curieux, un lien vers quelques recettes:
https://bestlivingjapan.com/japanese-gingko-nut-recipes-ginnan/
Un arbre aux quarante écus
Le nom de genre, Ginkgo a été fixé par Linné en s’appuyant sur les textes de Kaempfer.
Il doit son nom d’arbre aux quarante-écus à un botaniste voyageur et …à la bonne chère londonienne. Voici l’histoire, telle que la relate Serge Schall : Un botaniste de Montpellier, M.de Pétigny, en voyage à Londres, visite une pépinière et repère cinq jeunes plants issus de graines rapportées du Japon. Il invite le pépiniériste, le régale de bons mets et vins fins, et à l’issue de ce copieux déjeuner, négocie l’achat des cinq plants pour 25 guinées. C’est une belle somme, mais bien inférieure au « prix du marché ». Las, quand le pépiniériste se rend compte de sa méprise, et propose le rachat d’un seul pied pour la même somme, trop tard, les plants sont déjà embarqués… Chaque plant sera revendu 120 francs, soit quarante écus… et presque tous les ginkgos de France proviennent de ces deux specimens !
Une longévité et une résistance exceptionnelles
Le ginkgo présente une résistance remarquable aux virus et aux agents mutagènes.
Après le bombardement d’Hiroshima, le 6 août 1945, les ginkgos d’un temple de Hosen-ji , à seulement 1 km du point d’impact, ont survécu. Dès le printemps 1946, de nouvelles pousses sont reparties des racines.
« Ce ginkgo a résisté à la bombe atomique le 6 août 1945 et s’est rétabli. En 1994, il a été préservé lors de la construction d’un nouveau bâtiment, en modifiant l’escalier »
Le mot de la fin
à Jacques Brosse, naturaliste, moine zen, historien des religions et philosophe (1922-2008)
Lorsque les dendrologues purent étudier le Ginkgo biloba, ils durent se rendre à l’évidence: l’espèce remontait au Jurassique moyen et s’était conservée depuis lors inchangée (…) . En somme, c’est parce qu’il s’agissait d’un arbre sacré que la vie du Ginkgo avait été pendant des millénaires, et peut-être davantage, préservée.
Mythologie des arbres.
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