Les immortelles

Vous connaissez ces fleurs jaune vif qui même séchées gardent leur couleur éclatante.

Un peu de botanique

Les immortelles ou hélichryses.

Les hélichryses appartiennent à la famille des Astéracées. Ce sont des plantes xérophiles (qui se plaisent dans les terrains secs).

La plus connue en aromathérapie est l’hélichryse italienne Helichrysum italicum var italicum (il existe une autre variété var serotinum qui produit une huile essentielle beaucoup moins riche). C’est une plante du bassin méditerranéen, qui pousse sur des sols sablonneux riches en silice. Les tiges sont rameuses, laineuses, les feuilles se présentent sous forme d’aiguilles argentées. Les inflorescences sont jaune vif, réunies en corymbes, la floraison a lieu en juin-juillet.

Il existe environ 400-500 espèces dans le genre Helichrysum, seulement quelques unes sont utilisées en thérapeutique. Elles se développent dans des zones sans point commun géologique ou géographique : bassin méditerranéen, Madagascar , Afrique méridionale, et Australie.

Les plus courantes sont l’hélichryse italienne Helichrysum italicum var italicum et H.italicum var serotinum, on utilise aussi Helichrysum angustifolium, H.bractiferum, elles ont chacune leurs particularités. Une variété d’Helichrysum italicum répandue autour de la Grèce présente des propriétés un peu différentes (var microphyllum)

Des plantes médicinales

Comme toujours, attention à la dénomination des plantes: avec quatre ou cinq cents espèces au sein du genre Helichrysum, c’est particulièrement important!

Il existe une longue tradition d’utilisation médicinale des immortelles autour du bassin méditerranéen, en médecine humaine comme en médecine vétérinaire. Elle apparaît dans les grands traités médicaux grecs, avec une distinction entre les espèces à grandes fleurs (groupe des H.stoechas) et à petites fleurs (groupe des H.italicum), les vertus étant voisines.

Le plus ancien répertoire de plantes connu en Occident, Historia plantarum de Théophraste (371-288 BC) mentionne un onguent fait d’hélichryse dans du miel pour soigner des plaies et des brûlures. Plus tard, Dioscoride (20-90 AD) indique un vin médicinal pour traiter sciatiques et douleurs articulaires, tout comme Pline l’Ancien.

À la Renaissance, un médecin italien, Castore Durante (1529-1590) recense divers emplois, douleurs , morsures de serpents, troubles urinaires, catarrhes, souvent en préparation dans du vin.

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En Italie, la tisane est d’usage courant pour calmer les maux de gorge et activer le flux biliaire (tisane du Quirinale).

On utilise en tisane l’immortelle des sables Helichrysum arenarium. C’est une immortelle cultivée en Pologne et en Turquie, dont les sommités sont récoltées en fin de floraison. La plante est répertoriée depuis Fuchs (1583), pour les troubles digestifs. Par prudence, elle est contre-indiquée chez la femme enceinte ou allaitante, l’enfant et en cas d’obstruction des voies biliaires.

Macérée dans l’huile, l’immortelle fournit un onguent cicatrisant des coups de soleil et des petites plaies.

Aromathérapie: savoir de quoi on parle

Dans le cas des hélichryses, la composition chimique des huiles essentielles comme celle des hydrolats dépend non seulement de l’espèce distillée, mais aussi du lieu de culture: Helichrysum italicum cultivée au nord de la Corse est par exemple plus riche en β-dicétones que la même espèce et la même variété au sud de la Corse (qui elle, est plus riche en acétate de néryle) ou en Espagne (majoritaire en α-pinène) ou en Yougoslavie (davantage de sesquiterpènes et peu d’acétate de néryle)… Si ces notions de phytochimie semblent complexes voire rebutantes de prime abord, elles sont nécessaires pour comprendre les différences d’efficacité et d’indications d’une huile essentielle à l’autre, mais aussi prévenir des effets indésirables: la toxicité neurologique liée aux cétones par exemple, même si elle est modérée dans le cas de l’hélichryse, est à prendre en compte avec d’autant plus de rigueur que le produit utilisé est riche en italidiones. Dans le cas des huiles essentielles, les laboratoires les plus sérieux fournissent systématiquement un bulletin de contrôle qui permet de connaître précisément l’ensemble des molécules présentes (une chromatographie). C’est beaucoup plus difficile avec les hydrolats, car les techniques d’analyse sont plus délicates à mettre en œuvre.

Des huiles essentielles

Il existe plusieurs huiles essentielles selon l’espèce distillée, avec des propriétés et des précautions différentes. Vérifiez toujours le nom latin de la plante!

Quelques unes des HE Hélichryse les plus courantes:

Commençons par les hélichryses méditerranéennes:

Huile essentielle (HE) Hélichryse italienne Hélichrysum italicum spp italicum

On trouve aussi des HE issues de H.italicum spp serotinum avec un profil similaire, quoique moins concentrées en molécules cétoniques, donc moins actives sur les hématomes: bien vérifier les chromatographies.

C’est certainement la plus connue des HE immmortelle. Elle se présente sous forme d’un liquide jaune clair à verdâtre.

• Son effet anti-hématome est bien connu, même sur des hématomes anciens : sur une petite surface, il est possible de l’appliquer pure à une ou deux reprises, puis espacer les applications en utilisant une dilution à 10% voire 20% dans une huile végétale. Les bonnes synergies: HE Ciste ladanifère Cistus ladaniferus ou HE Lentisque pistachier Pistacia lentiscus.
• Elle est aussi anti inflammatoire, surtout quand une composante vasculaire ou spasmodique est impliquée (par exemple les varicosités, la couperose, le syndrome de Raynaud). La concentration à utiliser dépend alors de l’indication, de la surface à traiter, et bien sûr du patient lui-même.
• L’HE Hélichryse italienne est aussi mucolytique, comme la plupart des HE à cétones
• Son effet cicatrisant cutané est mis à profit pour accélérer la récupération en cas d’hématomes avec plaies, mais aussi comme anti-rides (attention à la dilution, et ne pas mélanger à une crème cosmétique, au risque de favoriser la pénétration à travers la peau de substances non souhaitables de votre crème) ou pour soulager un coup de soleil (là encore, attention à la dilution si la zone est étendue, et si vous diluez dans un macérat de millepertuis, n’oubliez pas l’effet photosensiblisant de ce dernier).

Précautions à connaître: ne pas utiliser par voie orale (c’est-à-dire ne pas avaler) sans avis médical, ne pas utiliser sur le ventre pendant la grossesse (et avec beaucoup de prudence , jamais sur de grandes surfaces, et uniquement en usage ponctuel pendant toute la grossesse), éviter chez le jeune enfant, éviter (ou réserver à un usage ponctuel) pour les patients sous anticoagulants.

HE Helichrysum angustifolium

Elle partage les mêmes propriétés que l’hélichryse italienne, avec une orientation anti inflammatoire at articulaire plus marquée: par exemple après une entorse. Il convient de respecter les mêmes précautions que pour H.italicum spp italicum ou spp serotinum

HE Helichrysum italicum spp microphyllum

Originaire de Corse le plus souvent comme H.italicum spp italicum, elle est moins réputée que celle-ci, mais demeure une HE utile contre les hématomes et anti inflammatoire.

Trois HE d’origine malgache:

HE Helichrysum bracteiferum

Improprement nommée hélichryse mâle, elle a une odeur qui rappelle celle de l’eucalyptus. Elle a des propriétés respiratoires et antiinflammatoires, elle est plutôt apaisante: une HE à utiliser de préférence en fin de journée.

À Madagascar, la plante est traditionnellement indiquée par les herboristes comme anti inflammatoire, contre la fièvre et les troubles respiratoires.

HE Helichrysum gymnocephalum

Improprement nommée hélichryse femelle, elle est très riche en 1,8-cinéole (plus connu sous sa dénomination ancienne d’eucalyptol): c’est une HE respiratoire avant tout, elle présente aussi des propriétés anti inflammatoires. Elle est plutôt stimulante et tonique, on privilégie une utilisation le matin.

HE Helichrysum faradifani

Un usage particulier pour cette HE: le confort urinaire, en complément des traitements conventionnels, en dilution à 5% (pas plus !) dans une huile végétale, en application externe sur le bas-ventre.

Traditionnellement à Madagascar, elle est employée comme cicatrisante. C’est une HE plutôt sédative.

et des hydrolats

L’hydrolat d’hélichryse italienne est un remède simple pour éviter l’apparition d’hématomes ou les estomper , en application locale.

On l’utilise aussi en bains de bouche après une extraction dentaire pour améliorer la cicatrisation (attendre 24-48h après l’extraction, et toujours avec l’accord du chirurgien-dentiste). on peut dans ce cas l’associer à un hydrolat de ciste ladanifère.

Son action anti inflammatoire permet de la vaporiser sur des plaques d’eczéma, de psoriasis, penser ensuite à nourrir la peau avec une huile végétale adaptée (par exemple calophylle, noyau d’abricot, argan…)

En cosmétique, c’est l’hydrolat de choix des couperoses et acnés rosacées, en application sur le visage, toujours suivie d’une huile adaptée. On peut l’associer à l’hydrolat d’hamamélis, de ciste ladanifère.

Quelques précautions, même avec l’hydrolat: éviter une utilisation sur une surface importante , ou un usage répété, chez le jeune enfant, durant la grossesse, ne jamais appliquer sur le ventre d’une femme enceinte, éviter l’utilisation par voie orale (à avaler) sans l’avis d’un professionnel de santé qualifié en phyto-aromathérapie.

Et l’inutile et le superflu… ou pas

La fleur d’or

À Rome et en Grèce antique, on décorait les statues des dieux avec des couronnes de fleurs d’hélichryse : sur des statues probablement polychromes, les immortelles donnaient l’impression de couronnes d’or.

Immortelle la bien nommée

En Occident , l’hélichryse symbolise la mémoire des morts: c’est la fleur qui ne se fane ni ne perd ses couleurs. En revanche en Orient, elle symbolise une vie longue et propère: elle fut utilisée dans les bouquets du couronnement de la reine Elizabeth II en 1952.

Si elle est aujourd’hui réputée en cosmétique dans des produits anti-âge, c’est une vertu dont Homère avait déjà connaissance: dans l’Odyssée, Nausicaa applique chaque jour de l’hélichryse sur sa peau, en faisant ainsi un véritable élixir de jouvence.

La tisane du Quinrinale

Il s’agit d’une tisane composée d’immortelle (sans que la variété soit précisée), de lavande et de fenouil, dont deux présidents italiens, Oscar Luigi Scalfaro (1918-2012) et Carlo Azeglio Ciampi (1929-2016) faisaient dit-on un grand usage .

La soie jaune

Curieusement, les fleurs d’hélichryse mêlées aux feuilles de mûrier pour nourrir les vers à soie conduit à la production d’une soie naturellement jaune. C’est ce qui se pratiquait en Sardaigne, pour la fabrication d’une soie traditionnelle, avec une espèce particulière de vers à soie.

Un parfum suave

L’immortelle a toujours été réputée pour son parfum: pour Pline l’Ancien, il n’est « pas du tout désagréable » et protège les vêtements des mites (Vestes tuetur odore non ineleganti) . Il s’agissait probablement de la variété tyrrhénienne. En revanche, d’autres variétés sont moins appréciées pour leur parfum . Le parfum de la plante est fort différent de celui de l’huile essentielle.

et un condiment

La feuille d’immortelle donne un goût un peu épicé à du riz ou de poisson, comme un curry doux. Au Vietnam, le banh khuc est un gâteau à base de riz et porc, parfumé avec du gnaphale, une plante proche des hélichryses.

En Grèce, on utilise les feuilles comme on le fait du romarin, ainsi qu’en mélange dans un « curry méditerranéen » qui associe hélichryse, oignons, romarin, thym, fenouil sauvage et cataire.

Pour ses propriétés anti bactérienne, l’hélichryse est parfois substituée au houblon pour fermenter une boisson, et elle aromatise les liqueurs, notamment en Sicile et en Sardaigne, avec baies de genièvre, écorces d’orange et de citron,

Du miel précieux

Alors que les immortelles ne sont pas des plantes mellifères, on en trouve un miel particulièrement réputé. Même si elles ne butinent pas directement les fleurs, les abeilles se chargent d’une substance résineuse et transmettent au miel son parfum caractéristique.

Où les chercheurs modernes rejoignent les philosophes grecs

Théophraste classe l’hélichryse dans ce que nous nommons aujourd’hui les plantes psycho-actives, probablement à cause l’utilisation en fumigations rituelles. Mais des analyses récentes ont isolé dans une espèce particulière d’hélichryse des dérivés qu’on ne retrouve que dans une autre famille botanique, à laquelle appartiennent houblon et chanvre, les Cannabinacées. On a en effet isolé dans un extrait de Helichrysum umbraculigerum des phytocannabinoïdes (amorfrutin-type pour les spécialistes: le cannabigérol). Même si l’effet psychoactif de ces substances n’est pas documenté, l’observation des anciens est (une nouvelle fois) remarquable.

Le mot de la fin

à André Gide (1869-1951)

Sache que la fleur la plus belle est aussi la plus tôt fanée. Sur son parfum penche-toi vite. L’immortelle n’a pas d’odeur.

Les nouvelles nourritures (1935)

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Michel Faucon Traité d’aromathérapie scientifique et médicale Les huiles essentielles Fondements et aide à la prescription Sang de la Terre 2018 

Michel Faucon Traité d’aromathérapie scientifique et médicale Les hydrolats Fondements, approches sensorielles et aide à la prescription Sang de la Terre 2018 

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Site de Heinrich Heine Universität Dïsseldorf consulté le 23 février 2021.https://www.ulb.hhu.de/nc/zg-ulb/ulb-aktuell/aktuelle-meldungen.html