Le sophora du Japon

Sophora du Japon, Sophora (ou Styphnolobium) japonica,  Fabacées

Sophora, Styphnolobium
Crédit photo: Luis Fernández García/Wikimedia, CC BY-SA

Un peu de botanique

Le Sophora du Japon appartient à la famille des fabacées, comme les pois ou les fèves. Il fleurit en été, c’est un arbre mellifère .

On le nomme souvent « l’arbre aux pagodes », parce qu’on le rencontre près des lieux de culte en Asie .

C’est un des arbres parisiens les plus représentés: il arrive juste après le trio platane- marronnier- tilleul.

Propriétés médicinales

Le sophora est surtout un arbre d’ornement. un arbre d’ornement.

Mais s’il n’est acclimaté en Europe que récemment ( trois siècles, en botanique, c’est bien court), il est connu comme plante médicinale en Asie, et notamment en Chine. Dans les traités anciens, les boutons floraux (Flos sophorae immaturus) et les fruits (Fructus sophorae) de Sophora japonica sont préconisés pour le traitement d’hémorragies, de maux de tête ou de diarrhées. Des études récentes ont mis en évidence plus de 150 composés actifs. Néanmoins, les données sur la sécurité d’emploi, l’efficacité, les potentielles interactions, la qualité des produits sont inexistantes. Beaucoup d’études actuellement en cours permettront peut-être d’envisager un usage thérapeutique plus large. Citons pêle-mêle des essais sur le traitement de l’hypertrophie bénigne de la prostate (chez le Rat), de l’asthme allergique (chez la Souris), des hémorroïdes (chez l’Homme, mais le faible nombre de patients, 48, ne permet de tirer aucune conclusion), récupération d’infarctus cérébral (chez le Rat)…Aucune de ces études n’a aujourd’hui d’application clinique.

Actuellement, on tire parti de ses substances actives: les rutosides, présentes en quantité suffisamment importante pour permettre une extraction industrielle. Ces rutosides sont transformés en composés plus solubles et mieux absorbés: la troxérutine (un médicament pour les jambes lourdes, les impatiences…). Un autre dérivé entre dans la composition d’un collyre pour la fragilité capillaire conjonctivale.

L’inutile et le superflu… ou pas

Un jésuite botaniste

En 1747, un missionnaire jésuite, Pierre Nicolas Le Chéron d’Incarville , se trouve à la cité interdite de Pékin. C’est un lettré, un érudit (il rédige notamment un dictionnaire chinois-françois), un scientifique dirait-on aujourd’hui. Avant son départ pour la Chine, il se lie avec Bernard de Jussieu, avec qui il étudie la botanique. Fin diplomate, il offre à l’Empereur des graines de Mimosa pudica, c’est-à-dire de sensitive, une petite plante qui présente la particularité de replier ses feuilles lorsqu’on la touche: c’est le début d’ échanges de graines entre la France et la Chine, comme en témoigne sa correspondance avec Jussieu. Il est précurseur en ce domaine. Bernard de Jussieu reçoit ainsi les précieuses graines « d’arbres chinois inconnus »: l’une des espèces est notre Sophora,

Incarvillea herbier historique
Dans les herbiers historiques du Museum National d’Histoire Naturelle: Incarvillea. Cueillie « aux environs de Pékin » par P.N.C d’Incarville

Une dénomination voyageuse

Linné vingt ans plus tard choisit un mot issu de l’arabe pour le désigner (sufayra arbre au bois jaune) et lui attribue une origine japonaise : la géographie est mise à mal, mal le nom est resté. En Allemand, le nom se réfère à la forme des gousses: c’est le collier de perles (Schurrbaum).

Facétieuse taxonomie

Le nom d’espèce de Sophora est resté dans le langage courant, mais les botanistes ont créé en 1830 un nouveau genre, Styphnolobium, pour le distinguer des « vrais » sophoras: il existe en effet pour les spécialistes des différences phytochimiques . En outre, les Sophora au sens strict vivent en symbiose avec des bactéries qui permettent la fixation d’azote, alors ce n’est pas le cas pour les Styphnolobium.

Le jardin des plantes et le petit Trianon

Sophora Jardin des plantes
 Le sophora du jardin des plantes Serge Muller/MNHN, CC BY-NC-ND

Bernard de Jussieu plante un sophora issu des graines expédiées de Chine. Cet arbre, qu’on peut toujours admirer à Paris au Jardin des plantes, est un vénérable specimen qui ne grandit plus en hauteur, mais continue à renouveler sa ramure.

Le Sophora du Trianon
Le sophora du Trianon

Lors de la création du jardin du petit Trianon, c’est le premier arbre qui est planté à la demande de Marie-Antoinette, en 1774. Et ce sophora, aujourd’hui magnifique,a été épargné par la tempête du 26 décembre 1999, alors que dans le parc, plus de 30000 arbres étaient tombés ou avaient dû être abattus.

Des plaines d’Asie aux villes d’Occident

Sophora japonica Styphnolobium japonica
Aux Buttes-Chaumont

Le sophora résiste au froid et à l’aridité: il s’avère bien adapté aux environnement urbains. C’est un arbre d’alignement apprécié depuis le XIXème siècle. L’horticulteur Vilmorin, qui travaille avec le jardin des plantes, et le baron Hausmann ont ainsi introduit les sophoras à Paris: il en existe actuellement plus de 11 000 à Paris, et ils représentent à eux seuls 5% des arbres de la capitale.

Le mot de la fin

Les adeptes la reconnaîtront!

Sophora — Poképédia

Bibliographie et webographie succinctes

(les liens ont été consultés en juillet 2021)

Jean Bruneton Pharmacognosie, phytochimie, plantes médicinales , 5ème édition, ED.Lavoisier Tec et doc

Chen, H.-N. & Hsieh, C.-L. Effects of Sophora japonica flowers (Huaihua) on cerebral infarction. Chin Med5, 34 (2010).

Elberry, A. et al. The protective effect of Sophora japonica on prostatic hypertrophy and inflammation in rat. Inflammopharmacology28, 1525–1536 (2020).

M. Franchet (1882) Les Plantes Du Père D’incarville Dans L’herbier Du
Muséum D’histoire Naturelle De Paris
, Bulletin de la Société Botanique de France, 29:1, 2-13

He, X. et al. Local and traditional uses, phytochemistry, and pharmacology of Sophora japonica L.: A review. J Ethnopharmacol187, 160–182 (2016).

Kim, B.-H. & Lee, S. Sophoricoside from Sophora japonica ameliorates allergic asthma by preventing mast cell activation and CD4+ T cell differentiation in ovalbumin-induced mice. Biomed Pharmacother133, 111029 (2021).

Man, K.-M. et al. A Randomized, Double-Blind, Placebo-Controlled Trial of a Chinese Herbal Sophora Flower Formula in Patients with Symptomatic Haemorrhoids: A Preliminary Study. Afr J Tradit Complement Altern Med10, 343–351 (2012).

Henriette Walter , Pierre Avenas La majestueuse histoire du nom des arbres Ed.Robert Laffont, 2017

.Quel est cet arbre dans ma ville ? Le sophora du Japon. Tela Botanica https://www.tela-botanica.org/2020/07/quel-est-cet-arbre-dans-ma-ville-le-sophora-du-japon/ (2020).

copyright

Auteur de l’article: Sabine Robin, docteur en Pharmacie, DU phyto-aromathérapie clinique, DU micronutrition exercice et santé.

L’auteur déclare ne présenter aucun conflit d’intérêt financier avec l’industrie pharmaceutique ou laboratoire ou fabricant de produits ou matériels médicaux.

Dernière mise à jour 5 août 2021

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