Le gui, Viscum album Santalacées
Une plante entourée de bien des mystères !
Botanique
Voilà un cas particulier: une plante qui n’est pas tout à fait un parasite, mais qui a besoin d’un arbre pour se développer ( on dit que le gui est épiphyte). Le gui est un hémi-parasite: ses feuilles permettent la synthèse chlorophyllienne, le gui est d’ailleurs toujours vert, mais il prélève de la sève brute dans son arbre-hôte, sans toutefois l’affaiblir (toutefois, il diminue la qualité de l’arbre du point de vue des forestiers). Le gui est dépourvu de racines: il absorbe la sève de son hôte par ses suçoirs.
La composition chimique du gui est influencée par l’arbre-hôte: il se plaît sur les feuillus, peupliers, pommiers, mais aussi sur les sapins.
Propriétés médicinales
Le Codex 1937 précise que le gui doit être récolté en août ou septembre avant la formation des fruits. C’est la feuille, en tisane ou en extrait aqueux stabilisé, qui est utilisée. Pour les curieux, voici la technique de fabrication de l’extrait
Le gui ne figure plus à la Pharmacopée française, ne fait plus l’objet d’une monographie européenne, mais l’Allemagne en reconnaît toujours l’usage.
Les auteurs anciens recommandaient le gui dans les épilepsies, les vertiges, les tumeurs: Pline comme Théophraste le connaissaient .
Une plante hypotensive?
Un usage traditionnel bien difficile à confirmer: les propriétés du gui varient selon son hôte, sa période de récolte… De sa longue expérience, Marie-Antoinette Mulot retenait l’indication hypotensive du gui, en particulier « chez les gros mangeurs ». La tisane est préparée par macération à froid durant une nuit, puis réchauffée sans ébullition (20g pour un demi-litre d’eau), ou en vin (macération dans du vin blanc et du sucre… et posologie surprenante d’un demi-litre quotidien, pour des patients goutteux et pléthoriques !)
Les études chez le Chien n’ont pas été confirmées chez l’Homme: le gui aujourd’hui n’est plus recommandé pour traiter l’hypertension .
Une plante anti tumorale?
Grand débat… bien difficile à trancher!
Les tenants de la médecine « anthroposophique » estiment que le gui possède des propriétés anti tumorales: mais les études sont rares, ne reposent que sur de petits groupes de patients (ou sont seulement réalisées in vitro), et ne permettent pas de conclure. En Allemagne et en Europe de l’Est, beaucoup de produits dérivés du gui sont commercialisés comme « thérapie des tumeurs malignes pas stimulation aspécifique ». Mais il subsiste un doute sur d’éventuelles interactions avec les traitements conventionnels. Il demeure néanmoins que nombre de patients décrivent une amélioration de leur état général grâce au gui: effet placebo ou pas, en veillant à la qualité de l’extrait, en recourant à des dilutions basses et avec le feu vert de l’oncologue, pourquoi pas? Utilisation sous contrôle médical strict évidemment indispensable!
Quelques articles (en anglais) pour vous faire une opinion :Pour aller plus loin
Une plante anti inflammatoire?
En Allemagne (mais pas en France, frontière infranchissable), le gui est indiqué dans le « traitement des inflammations articulaires dégénératives »: arthrose, rhumatismes de toute sorte.
L’usage traditionnel se trouve ainsi confirmé: le gui se pose en cataplasme sur l’articulation douloureuse.
Les précautions à respecter
Le gui est absolument contre-indiqué aux femmes enceintes, car il pourrait provoquer des contractions utérines: le gui était considéré comme abortif. Dans quelques tribus indiennes, il était recommandé pour accélérer l’accouchement.
Il est susceptible de déclencher des céphalées, des réactions allergiques, des diarrhées ou des nausées.
Toxicité
Souvent considéré comme toxique, le gui est plutôt moins dangereux que sa réputation ne l’annonce! Dans la Nature, le gui est inaccessible aux enfants: seules les baies tombées à terre présenteraient un risque. La baie, selon le centre anti-poison belge, contient moins de toxines que les rameaux et les feuilles. Attention au gui de l’an neuf: l’ingestion provoque diarrhée, vomissements, soif, agitation. Si un enfant a avalé quelques baies, lui rincer la bouche et appeler le centre anti poison le plus proche. C’est un « toxique de Noël »: le centre anti poisons de Lille a recensé quelque 140 intoxication en dix ans, en majorité à l’intérieur de la maison, et surtout entre le 24 et 31 décembre de chaque année.
Attention aussi à vos chiens, l’intoxication peut-être mortelle selon la quantité ingérée.
Ethnobatanique
Le gui du chêne était une plante sacrée chez les Gaulois: il était considéré comme une panacée. Pourtant, le chêne n’est pas l’arbre de prédilection du gui, qui lui préfère des arbres à l’écorce plus tendre, peuplier, pommier… Et bien sûr, le druide récoltait le gui à l’aide d’une serpe d’or.
Comme pour d’autres plantes « magiques », il convient d’éviter le contact entre le gui et le sol: pas question de ramasser des baies ou des tiges de gui tombées au sol, sous peine d’en perdre toutes les vertus!
Dans les mythologies nordiques, le dieu de l’Amour et de la Lumière, est tué par une flèche de gui.
Toujours vert, survivant même sur un arbre mort: rien d’étonnant à ce que le gui soit symbole d’immortalité!
Une jolie légende du Pays de Galles: les jeunes filles déposent un brin de gui sous leur oreiller, afin de voir en rêve celui qui deviendra leur époux.
Et pour l’époux, s’il lui arrive d’avoir l »aiguillette nouée » (plus prosaïquement qualifié de nos jours de troubles de l’érection), selon le terme rapporté par Pierre Lieutaghi, le remède est simple: porter une amulette de gui et d’armoise.
Pour aller plus loin
Anti tumoral?
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/29237435
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6157372/
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/30148853
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/29444603
Ouvrages intéressants
Jean Bruneton Pharmacognosie, phytochimie, plantes médicinales , 5ème édition, ED.Lavoisier Tec et doc
Michel Dubray Guide des contre-indications des principales plantes médicinales Ed.Lucien Souny
Jacques Fleurentin, Jean-Claude Hayon Des plantes toxiques qui soignent Ed. Ouest-France2011
Paul-Victor Fournier Dictionnaire des plantes médicinales et vénéneuses de France Éd. Omnibus
Codex medicamentarius gallicus Pharmacopée Française tome II, 6èmeédition, 1937
Pierre Lieutaghi La plante compagne Pratique et imaginaire de la flore sauvage en Europe occidentale Actes Sud 1998
Marie-Antoinette Mulot herboriste diplômée Secrets d’une herboriste Éd.Dauphin