L’aubépine

Un arbuste commun des bords de chemins et des lisières, aux propriétés médicinales bien établies.

Un peu de botanique

L’aubépine est un arbuste de la famille des Rosacées, une grand groupe botanique qui réunit des plantes herbacées comme la pimprenelle ou le fraisier, et des arbres ou arbustes, comme l’églantier, le pommier, le cognassier. L’aubépine de nos régions est un Crataegus monogyna (à un style) ou levigata (épineuse ou à deux styles). Pour les férus de nomenclature, un peu de complexification des choses simples plus bas (voir Un peu d’ethnobotanique).

C’est un arbre d’une longévité remarquable: dans l’Eure, une aubépine aurait été plantée en 1360 (Bouquetot), et un individu est estimé vieux de 1700 ans en Mayenne (Saint-Mars-sur la-futaie).

Les aubépines forment des buissons épineux, enchevêtrés, autrefois utilisés pour former des haies vives. Les fleurs blanches, délicates, éclosent en mai (en anglais, l’un de nom de l’aubépine est Mayflower) . Elles ont une odeur désagréable, comparée à la « chair en décomposition », ou « la peste de Londres » selon Breverton: on retrouve en effet un composé chimique qui explique cette odeur caractéristique, la triméthylamine.

Aubépine en fruits

Une plante médicinale

L’aubépine est une médicinale remarquable, grande apaisante nerveuse, calme les palpitations sur cœur sain, l’anxiété… On utilise les fleurs ou les sommités fleuries, ainsi que les extraits de fruits.

Le cœur et la « nervosité »

L’aubépine a des propriétés reconnue sur le plan cardio-vasculaire: des études bien menées montrent une efficacité incontestable pour améliorer la fatigue, la dyspnée (essoufflement), la tolérance à l’effort. Cet effet ne doit pas être surestimé néanmoins: il est hors de question de remplacer un traitement conventionnel par des tisanes ou des extraits d’aubépine. Il est toutefois pertinent de considérer l’aubépine comme un traitement d’appoint , apportant un bénéfice symptomatique, en respectant les interactions éventuelles avec un traitement allopathique. Les indications « officielles » ne reconnaissent d’ailleurs que « la nervosité des adultes notamment en cas de perception exagérée des battements cardiaques (palpitations) après avoir écarté toute maladie cardiaque ».

L’autre grand usage de l’aubépine concerne l’anxiété et la nervosité: c’est un remède de choix pour apaiser le trac, pour améliorer le sommeil, en association avec la passiflore, la valériane…

Elle est en particulier recommandée pour les troubles du sommeil, la nervosité, au moment de la péri-ménopause.

Des précautions

À forte dose, l’aubépine peut provoquer une hypotension et ralentir le rythme cardiaque. Son usage n’est pas recommandé chez la femme enceinte ou allaitante. Et il est sage de ne pas l’associer à des médicaments ß-bloquants.

Il va de soi que le traitement de l’insuffisance cardiaque relève du domaine médical, et jamais, au grand jamais, de l’automédication!

L’utilisation traditionnelle de l’aubépine pour soulager le syndrome de Raynaud se trouve confirmée par les données scientifiques récentes qui constatent un effet de dilatation des petits vaisseaux.

Les baies

L’usage traditionnel des baies est un peu oublié aujourd’hui: leurs propriétés astringentes en font un antidiarrhéique efficace, ainsi qu’un remède éprouvé pour soulager les maux de gorge et les inflammations de la bouche.

Le fruit séché d’aubépine est proposé en tisane, associé au semences de fenouil et d’anis, pour soulager les colites non infectieuses. (ref Paul Goetz).

Bourgeons et jeunes pousses

En gemmothérapie et en phytembryothérapie (utilisation médicinale des jeunes pousses ou des bourgeons), le bourgeon d’aubépine présente les propriétés de la plante: cardio-vasculaire, antispasmodique. L’utilisation du macérât-mère se conçoit en cures de 4 à 8 semaines, chez l’adulte.

Et puis un peu d’ethno-botanique (ou de miscellanées superflues)

La taxonomie, ou pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué

Nikolaus Josph von Jacquin

La nomenclature botanique paraît parfaitement codifiée et universellement acceptée, tout au moins depuis Linné (1707-1778). Les apparences sont trompeuses et la simplicité fallacieuse…Les botanistes ne sont pas parfaitement d’accord: Linné ne reconnaissait qu’une aubépine, nommée Crataegus oxyacantha. Dans un second temps, Nikolaus Josph von Jacquin (1727-1817) a fait la distinction entre deux espèces, qu’il a nommées Crataegus monogyna et Crataegus oxyacantha. Evidemment, le terme Crataegus oxyacantha devenait ambigu: d’où l’arrivée de la dénomination Crataegus levigata, retenue dans la flore de référence (Flora europea, 1968). Mais la dispute ne s’est pas arrêtée: d’autres botanistes maintiennent qu’il n’existe bel et bien qu’une seule espèce, suivant en cela le grand Linné, et d’autres distinguent deux espèces, qu’ils choisissent de nommer Crataegus monogyna et Crataegus oxyacantha. Vous suivez toujours?

Des noms de l’aubépine

Le nom latin de genre, Crataegus, vient du grec Κράτος , la puissance, en référence à la dureté du bois: l’aubépine a par exemple fourni des blocs d’imprimerie particulièrement résistant.

Parmi ses noms vernaculaires: épine-blanche, noble épine, senellier, poire d’oiseaux: les fruits sont parfois appelés poires du Seigneur (Bas-Valais), cenelles ou senelles.

L’aubépine est parmi les premiers végétaux reconnaissables dans la sculpture gothique: par exemple sur des chapiteaux de la Sainte-Chapelle (1243-1248), on identifie sans peine chêne, aubépine et érable .

Du pain d’aubépine

Les baies d’aubépine sont comestibles: un aliment connu dès la Préhistoire, de nombreux noyaux ont été retrouvés dans des cités lacustres.

En Allemagne, l’aubépine est nommée baies à farine (Mehlbeere): les fruits séchés et réduits en farine servent à préparer une sorte de pain. En Angleterre, on appelle aussi l’aubépine « pain et fromage »: les jeunes feuilles ont un goût de noisette, feuilles et baies peuvent se préparer en tisane, mais aussi en confiture, vin ou liqueur.

Magie, légendes et tradition

L’aubépine est une plante considérée depuis toujours comme protectrice: à Athènes, les invités d’un repas de noces portaient un rameau d’aubépine pour attirer sur les époux, prospérité, santé et bonheur. À Rome, l’aubépine garnit le seuil de la chambre nuptiale, et orne le berceau des nouveau-nés.

Marc Chagall
Moïse devant le buisson ardent

Dans la Bible, le buisson ardent serait une variété d’aubépine (Crataegus pyracantha)

La tradition fait de l’aubépine la couronne d’épines du Christ. Et une légende anglaise explique que Joseph d’Arimatie aurait planté une aubépine à Glastonbury: arbre sacré qu’on disait fleurir à Noël. Arraché pendant la guerre civile par les partisans de Cromwell, l’arbre a été remplacé, mais hélas vandalisé en 2010.

Un proverbe écossais prédit « Mony haws, mony snows »: une floraison abondante annonce un hiver rigoureux.

L’aubépine dit-on, protège de la foudre: pas étonnant si l’on songe que l’aubépine a formé la couronne d’épines du Christ… Comment la foudre, émanation diabolique, pourrait-elle atteindre un arbre si sacré? Mais Paul-Victor Fournier propose une hypothèse bien plus prosaïque: il se pourrait, dit-il, que l’arbre écoule par ses épines l’électricité comme les paratonnerres par leurs pointes.

Et ces épines acérées (ou celles du prunellier) servent dans le marais poitevin et en Vendée d’agrafes pour maintenir en forme de trompe une spire formée d’écorce de saule ou de châtaignier, la tontarde, sorte de hautbois d’écorce.

Le mot de la fin

Les aubépines, selon Marcel Proust:

Jacques-Emile Blanche
Portrait de Proust, 1892

Je le trouvai [le chemin] tout bourdonnant de l’odeur des aubépines. La haie formait comme une suite de chapelles qui disparaissaient sous la jonchée de leurs fleurs amoncelées en reposoir ; au-dessous d’elles, le soleil posait à terre un quadrillage de clarté, comme s’il venait de traverser une verrière ; leur parfum s’étendait aussi onctueux, aussi délimité en sa forme que si j’eusse été devant l’autel de la Vierge, et les fleurs, aussi parées, tenaient chacune d’un air distrait son étincelant bouquet d’étamines, fines et rayonnantes nervures de style flamboyant comme celles qui à l’église ajouraient la rampe du jubé ou les meneaux du vitrail et qui s’épanouissaient en blanche chair de fleur de fraisier. Combien naïves et paysannes en comparaison sembleraient les églantines qui, dans quelques semaines, monteraient elles aussi en plein soleil le même chemin rustique, en la soie unie de leur corsage rougissant qu’un souffle défait. (en lire davantage: ici)

Pour aller plus loin

Breverton’s Complete herbal, based on Culpeper’s The English Physitian and Compleat Herball of 1653 Éd.Quercus

Jean Bruneton Pharmacognosie, phytochimie, plantes médicinales , 5ème édition, ED.Lavoisier Tec et doc

Paul-Victor Fournier Dictionnaire des plantes médicinales et vénéneuses de France Éd. Omnibus

Paul Goetz Phytothérapie (2017) 15:182-188

Gérard Guéniot, Franck Ledoux La phytembryothérapie, l’embryon de la gemmothérapie Ed.Amyris

Pierre Lieutaghi La plante compagne Pratique et imaginaire de la flore sauvage en Europe occidentale Actes Sud 1998

Marie-Antoinette Mulot herboriste diplômée  Secrets d’une herboriste Éd.Dauphin

Bob Press Green guide to trees of Britain and Europe Bloomsbury

Aline Raynal-Roques La botanique redécouverte Ed.Belin INRA 2008

Max Wichtl, Robert Anton Plantes thérapeutiques Tradition, pratique officinale, science et thérapeutique  2ème édition, Ed.Lavoisier, Tec et doc

http://www.copyrightfrance.com/certificat-depot-copyright-france-8YYX1K5.htm


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