L’eupatoire à feuilles de chanvre

Crédit photo Pierre La Treiche

Un peu de botanique

Eupatorium cannabinum, Astéracées

Aussi nommée Eupatoire chanvrine, herbe de Sainte Cunégonde, origan des marais, pantagruelion, Eupatoire d’Avicenne

C’est une plante facile à reconnaître : la tige est rougeâtre, les fleurs sont roses, réunies en corymbes serrées, les feuilles à 3 à 5 segments sont opposées : ce qui fait sa ressemblance avec les feuilles de chanvre. L’eupatoire à feuilles de chanvre est une vivace qui fleurit en plein été, de juillet à septembre, au bord des cours d’eau, dans les bois et lieux humides. Elle attire les insectes. Elle peut atteindre 1.5m de hauteur.

Eupatoire chanvrine
Eupatorium cannabinum. Une certaine ressemblance avec la feuille de chanvre
Photo SRobin

Médicinale hier, toxique aujourd’hui

Principe de précaution

L’eupatoire chanvrine contient des molécules qui sont toxiques pour le foie à forte dose (des alcaloïdes pyrrolizidiniques ): son usage est désormais déconseillé, selon le principe de précaution. La plante a néanmoins été utilisée depuis la Renaissance sans engendrer d’effets toxiques lorsque les doses étaient modérées et les traitements courts . Michel Dubray ne la contre-indique pas, mais recommande des traitements inférieurs à deux semaines, toujours avec la plante sèche car la plante fraîche contient une autre substance toxique, le trémérol, qui disparaît au séchage.

Les usages anciens

L’eupatoire chanvrine était utilisée sous forme de décoction de racine ou d’infusion de feuilles.

Ses indications principales concernaient la digestion: elle est apéritive et tonique (redonne de l’appétit), stimule la sécrétion biliaire (cholagogue), le transit intestinal (laxative).

En applications locales, c’était un traitement de la couperose et de la cellulite. On l’appliquait également pour accélérer la cicatrisation des plaies.

Les Indiens utilisaient ses propriétés fébrifuges et l’appliquaient pour soigner les morsures de serpents, utilisation préconisée également en Occident par Olivier de Serres.

L’inutile et le superflu (ou pas)

Empereur et impératrice

Eupatoire se rapporte à l’empereur Mithridate Eupator (Μιθριδάτης Εὐπάτωρ), qui a vécu au 1er siècle avant notre ère. C’est ce Mithridate qui par crainte du poison, a absorbé de faibles quantités pour s’immuniser: c’est l’inventeur de la mithridatisation.

L’eupatoire est aussi liée à une impératrice: Sainte Cunégonde. On l’appelle herbe de Sainte Cunégonde car elle est réputée quasi miraculeuse et permettre autant de guérisons que le tombeau de la sainte.

Que de confusions de noms, avant que Linné ne mette de l’ordre dans la taxonomie! à l’origine, l’eupatoire désignait l’aigremoine (Agrimonia eupatoria, qu’on appelle aussi… Eupatoire des grecs), avant de l’attribuer à l’Eupatoire que nous connaissons, de saveur proche. Au XVIème siècle, Mathieu Delobel classe l’eupatoire chanvrine dans les canabis (sic), sous le nom de Canabina aquatica.

Pantagruel

D’où vient son surnom de pantugruelion? Rabelais avait nommé le chanvre Pantagruelion (on en faisait les cordes de gibet, il avait ainsi fait du chanvre un symbole régalien). Mais se moquant des botanistes, qui confondent dans leurs traités les feuilles d’aigremoine, de frêne et d’eupatoire, il écrit: plusieurs herbiers l’ayant dite domestique, on dit Eupatoire être Pantagruelion saulvaginé ».

Une plante désopilante

C’est Olivier de Serres qui le dit: mais à son époque, rien de drôle dans le mot. Désopiler signifiait désobstruer: l’eupatoire libère le foie et la vésicule de ses humeurs, elle fait disparaître les humeurs noires de la mélancolie (du grec μελαγχολία bile noire) et le glissement de sens s’explique. Et c’est ainsi que la rate se dilate pour se désopiler…

Le mot de la fin

Il est capillotracté, je le reconnais volontiers…

AU lieu donc de me laisser aller au désespoir, j’ai pris le parti de mélancolie active pour autant que j’avais de puissance d’activité, ou en d’autres termes j’ai préféré la mélancolie qui espère et qui aspire et qui cherche à celle qui, morne et stagnante, désespère.

Vincent Van Gogh
Lettres à son frère Théo

Bibliographie succincte

Jean Bruneton Pharmacognosie, phytochimie, plantes médicinales , 5ème édition, ED.Lavoisier Tec et doc

Dorvault L‘officine, répertoire général de pharmacie pratique dix-huitième édition-bis, Vigot frères, éditeurs, 1945

Michel Dubray Guide des contre-indications des principales plantes médicinales  Ed.Lucien Souny

Paul-Victor Fournier Dictionnaire des plantes médicinales et vénéneuses de France Éd. Omnibus

Bob Gibbons Bloomsbury pocket guide to wild flowers Ed. Bloomsbury

W.Lippert, D.Podlech, M.Walters Wild flowers of Britain and Europe  William Collins

Marie-Antoinette Mulot herboriste diplômée  Secrets d’une herboriste Éd.Dauphin

Margot et Roland Spohn 450 fleurs Ed Delachaux et Niestlé

Yves Vanopdenbosch Saints et simples, plantes médicinales entre terre et Ciel Ed.Amyris 2014

Auteur de l’article: Sabine Robin, docteur en Pharmacie, DU phyto-aromathérapie clinique, DU micronutrition exercice et santé.

L’auteur déclare ne présenter aucun conflit d’intérêt financier avec l’industrie pharmaceutique ou laboratoire ou fabricant de produits ou matériels médicaux.

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