Un peu de botanique
Pour une fois, un arbuste qui n’a pas beaucoup de noms vernaculaires: c’est du cassis, c’est tout. En Allemagne, il est parfois désigné par Johannisbeeren, baies de St Jean, car les baies mûrissent vers la Saint-Jean, fin juin (on y adjoint la couleur: rouge pour les groseilles et noir pour les cassis). Et en France et en Belgique, on le nomme aussi raisin de Saint-Jean.
Le cassis, Ribes nigrum, appartient à la famille des Grossulariacées. On l’appelle aussi groseillier noir, voire cassissier (c’est un terme d’apparition récente, la première occurrence dans un dictionnaire datant de 1907). C’est un arbrisseau touffu, cultivé pour ses fruits. Les feuilles ont 3 à 5 lobes, la face inférieure est plus claire avec des nervures saillantes. Les fleurs sont rougeâtres, en grappes pendantes. Et vous connaissez les fruits, ce sont de petites baies noires, odorantes. Le cassis est répandu à l’état sauvage dans le nord et le centre de l’Europe et en Russie.
Une plante médicinale
Tout est bon dans le cassis! Les feuilles, les fruits, les bourgeons et les pépins ont des vertus alimentaires et médicinales.
Les feuilles de cassis
La feuille de cassis séchée est une tisane d’usage ancien, sans toxicité connue: le long recul d’utilisation est à cet égard particulièrement rassurant! Comme toujours, en vertu d’un principe de précaution fort étendu (aucun effet délétère n’a jamais été enregistré), il n’est pas recommandé de l’employer chez la femme enceinte ou allaitante et l’enfant, et il est contre-indiqué en cas d’œdème cardiaque.
La feuille de cassis entre dans la composition des classiques « tisanes du centenaire », associée au frêne, au genévrier, à la badiane, à l’ortie piquante: les formules ne manquent pas.
La feuille de cassis est diurétique, anti inflammatoire. Elle est à la base de tisanes pour les inflammations articulaires chroniques, associée au bouleau, au frêne, à la prêle, l’ortie piquante en particulier. Elle rend grandement service pour soulager les crises de goutte, associée à d’autres plantes spécifiques.
Une recette traditionnelle de tisane, pour une boisson fort agréable à base de feuilles du jardin et de plantes sauvages (attention aux identifications!): le thé des bois, mélange d’aigremoine, framboisier, ortie piquante, cassis et ronce.
Le cassis entre aussi dans la composition d’un « fortifiant », recette d’abbaye dans laquelle entrent…52 plantes: l’alexion de l’abbaye d’Aiguebelle.
Il existe aussi des préparations galéniques à base de feuilles d’ortie: des gélules de poudre ou d’extrait sec hydro-alcoolique, des teintures, alcoolatures, teinture-mère.
Les baies de cassis
Au risque de vous décevoir, disons tout de suite que les gelées, liqueurs, confiseries, pâtisseries variées, ne sont pas considérées comme des formes médicinales…
Les baies de cassis s’emploient comme les baies de myrtille: on leur attribue des vertus bénéfiques sur la vision nocturne, un effet de protection des vaisseaux capillaires (si vous avez souvent des ecchymoses) , une action sur la circulation veineuse, jambes lourdes ou hémorroïdes.
La baie de cassis est un des fruits européens les plus riches en vitamine C: avec 200-250 mg pour 100g, il en contient quatre fois plus que l’orange. Il contient aussi un peu de calcium , de fer, beaucoup de potassium, beaucoup de fibres, de la vitamine E, et des pigments, les anthocyanes, auxquels on attribue les propriétés bénéfiques pour la vision et les vaisseaux.
L’extrait gemmothérapeutique de cassis
Il s’agit d’extrait glycériné de bourgeons frais de cassis . L’extrait se présente sous forme liquide et s’administre en gouttes, à diluer dans un peu d’eau peu minéralisée. Le mode de préparation diffère de celui des macérats ou des teintures homéopathiques (ils ne seront pas abordés ici).
L’extrait est préparé à partir des bourgeons frais récoltés au début du printemps. Il agit en régulant la fonction de la glande surrénale (c’est la glande qui produit les hormones corticostéroïdes): c’est un remède des épuisements ou des suites de maladies, des convalescences difficiles.
C’est un également un bourgeon anti inflammatoire, qui vient soutenir les traitements de phytothérapie (ou d’allopathie le cas échéant) dans les arthroses, les rhumatismes, les tendinites, les pathologies inflammatoires du système ostéo-articulaire.
Et toujours grâce à son action sur les surrénales, c’est un très bon anti allergique, que ce soit en crise de rhinite ou en traitement de fond: c’est la posologie qui est adaptée au cas par cas.
C’est aussi un bourgeon précieux pour compléter un traitement des rhinites et pharyngites chroniques, pour les personnes qui sont « toujours enrhumées », qui ont un système immunitaire un peu « fragile ».
Comme toute substance active, il s’utilise en cures espacées, l’usage chez l’enfant est possible, en respectant la posologie calculée par le thérapeute. Du fait de son action stimulante sur les glandes surrénales, il est contre-indiqué en cas de phéochromocytome et de maladie de Cushing (deux maladies rares ) et on l’utilise sous surveillance et en cures plus courtes en cas d’hypertension artérielle.
L’huile de pépins de cassis
L’huile de pépins de cassis, comme l’huile d’onagre (Œnothera biennis),l’huile de bourrache (Borago officinalis), sont riches en acide γ-linolénique (un acide gras poly insaturé ω-6), en acide α-linolénique, un acide gras poly insaturé ω-3) .
On l’utilise principalement dans deux domaines :
- en cosmétique: c’est une huile « anti-âge », régénérante de la peau, revitalisante pour les ongles. Il convient de la diluer à 5-10% dans une huile végétale plus stable, comme la cire liquide de jojoba (improprement dénommée huile). Elle convient aussi aux peaux grasses.
- par voie orale, pour soulager les syndromes prémenstruels, en accompagnement des mesures d’hygiène de vie (exercice et alimentation) dans les troubles métaboliques du cholestérol et des triglycérides. Il est préférable de choisir des capsules car l’huile de pépins de cassis s’oxyde très vite. Si vous optez pour une prise alimentaire (de l’ordre d’un tiers de cuillerée à café par jour), conservez la à l’abri de la lumière, au frais et ne la gardez pas longtemps après ouverture: elle rancit très rapidement et perd alors ses propriétés.
L’inutile et le superflu (ou pas)
Comment ça se prononce?
Si vous avez jamais hésité sur la prononciation, sachez que la plupart des dictionnaires recommandent la prononciation du S final, avec une réserve émise par Littré, qui estime » que cela est moins bien »!
De la casse au cassis
Le nom cassis viendrait de casse Cassia, une autre plante médicinale: le cassis aurait été utilisé pour remplacer cette casse.
Quand le cassis sauve l’avare
Un médecin flamand de la Renaissance, Petrus Forestus (également auteur de traités sur les analyses d’urine, et grand pourfendeur des charlatans, tricheurs et des supercheries et duperies de fausse médecine) relate l’anecdote suivante: un de ses patients était resté sans uriner pendant dix jours. Finalement torturé pas des douleurs intolérables, il passe outre son avarice et accepte de consulter un médecin: c’est une simple décoction de sommités de cassis qui l’a guéri.
Une bonne excuse
pour profiter d’un sirop de cassis: pendant la Seconde Guerre Mondiale, le gouvernement britannique recommandait la consommation de cassis pour assurer l’apport en vitamine C . On distribuait même du sirop de cassis dans les écoles. Et au Royaume-Uni, une boisson sucrée à base de cassis reste une des plus appréciées, même si elle contient plus de sucre, de conservateurs, épaississants qu’on ne saurait le recommander…
Pourquoi du cassis en Bourgogne?
Le cassis est cultivé en Bourgogne depuis le XVIème siècle: il apprécie les mêmes conditions de culture que la vigne. Au XIXème siècle, un liquoriste dijonnais mit au point la recette de la crème de cassis, et c’est seulement après la seconde guerre mondiale que la crème de cassis et le vin blanc se sont associés dans un kir, ainsi nommé en l’honneur du chanoine Félix Kir (1876-1968) , résistant puis maire de Dijon après la libération.
Le mot de la fin
À Marcel Proust
Hélas, c’était en vain que j’implorais le donjon de Roussainville, que je lui demandais de faire venir auprès de moi quelque enfant de son village, comme au seul confident que j’avais eu de mes premiers désirs, quand au haut de notre maison de Combray, dans le petit cabinet sentant l’iris, je ne voyais que sa tour au milieu du carreau de la fenêtre entr’ouverte, pendant qu’avec les hésitations héroïques du voyageur qui entreprend une exploration ou du désespéré qui se suicide, défaillant, je me frayais en moi-même une route inconnue et que je croyais mortelle, jusqu’au moment où une trace naturelle comme celle d’un colimaçon s’ajoutait aux feuilles du cassis sauvage qui se penchaient jusqu’à moi.
Du côté de chez Swann
Bibliographie
Jean Bruneton Pharmacognosie, phytochimie, plantes médicinales , 5ème édition, ED.Lavoisier Tec et doc
Michel Chauvet Encyclopédie des plantes alimentaires Ed.Belin 2018
Michel Dubray Guide des contre-indications des principales plantes médicinales Ed.Lucien Souny
Christian Duraffourd, Jean-Claude Lapraz Traité de phytothérapie clinique. Médecine et endobiogénie.
Jacques Fleurentin, Jean-Claude Hayon Du bon usage des plantes qui soignent Ed. Ouest-France 2018
Michel Faucon Traité d’aromathérapie scientifique et médicale Sang de la Terre
Paul Goetz Phytothérapie (2016) 14:315-320
Gérard Guéniot, Franck Ledoux La phytembryothérapie, l’embryon de la gemmothérapie Ed.Amyris
Jean-Marie Pelt Des fruits. Petite encyclopédie gourmande. J’ai lu 2009
Fernando Pitera di Clima, Marcello Nicoletti Précis de gemmothérapie . Fondements scientifiques de la méristémothérapie Ed Amyris 2018
Yves Vanopdenbosch Saints et simples, plantes médicinales entre terre et Ciel Ed.Amyris 2014
http://stella.atilf.fr/Dendien/scripts/tlfiv5/advanced.exe?8;s=651803715;
Auteur de l’article: Sabine Robin, docteur en Pharmacie, DU phyto-aromathérapie clinique, DU micronutrition exercice et santé.
L’auteur déclare ne présenter aucun conflit d’intérêt financier avec l’industrie pharmaceutique ou laboratoire ou fabricant de produits ou matériels médicaux.