Un peu de botanique
La prêle des champs Equisetum arvense est une plante herbacée de la famille des équisétacées. Comme souvent, ses noms vernaculaires découlent de ses propriétés: herbe à récurer, de son aspect: queue de chat, queue de cheval, queue de renard, ou de son biotope: prêle des champs, des bois, des chamois…
Un « fossile vivant »
Les prêles sont considérées comme des fossiles vivants, ou plutôt les descendants immédiats de plantes aujourd’hui disparues: la famille des équisétacées se compose d’un seul genre, et se rapproche des fougères. Les premiers « arbres » de l’ère primaire (il y a à peu près 300 millions d’années) furent des fougères, des prêles géantes, les lycopodes. Les prêles sont les derniers survivants d’un groupe de plantes (Sphénophytes) qui mesuraient plusieurs dizaines de mètres de hauteur. Les botanistes parlent d’un « cul-de -sac évolutionniste »: les prêles ont 108 paires de chromosomes (plus il y a de chromosomes, plus faible est la capacité à évoluer).
Les prêles sont des Cryptogames, des plantes sans fleurs. Ce sont des plantes vivaces qui vivent dans des terrains humides. Elles présentent deux types de tiges: la tige fertile qui apparaît au début du printemps, porte un épi sporangifère , puis les rameaux stériles qui constituent la partie médicinale. Les rameaux peuvent atteindre 80 cm de haut, les tiges sont creuses sur environ la moitié de la hauteur, elles sont articulées avec des nœuds, et cannelées. De petites feuilles sont insérées au niveau des nœuds.
Une plante médicinale
La prêle est particulièrement riche en silicium, dont une partie est soluble: entre 10 et 20% dans la plante fraîche, plus de 90% dans les cendres.
En usage externe
Une infusion de prêle est un remède d’appoint des eczémas et des dartres. Les anciens l’appliquaient pour cicatriser des ulcères et des plaies cutanées, en gargarismes pour les maux de gorge, en lotion pour les irritations des yeux. Sa richesse en minéraux permet de l’utiliser en cas de chute de cheveux, de cheveux fragiles: en rinçage après le shampoing ou en application prolongée avant celui-ci. Et un usage plus cosmétique: la prêle entre dans la composition de crèmes et gels « anti cellulite ». Efficacité à démontrer dans ce dernier cas!
Un usage ancien qui mérite d’être cité: des bains de pied avec une infusion de prêle et de sauge en parties égales sont un remède efficace contre la transpiration excessive des pieds.
Un autre usage qui peut s’avérer utile: une décoction de prêle peut arrêter un épistaxis (saignement de nez). La décoction est instillée dans les narines, comme pour pratiquer un lavage de nez au sérum physiologique. (Dans un premier temps, la meilleure méthode pour stopper un épistaxis consiste à comprimer les deux narines entre les doigts, pendant une dizaine de minutes. Il faut consulter si le saignement ne s’arrête pas, si la personne est sous anticoagulants, si les saignements se répètent…)
En usage interne
On utilise la prêle en tisane, ou en gélules de poudre de plantes. La teinture mère homéopathique ne partage pas toutes les propriétés de la prêle, car les minéraux sont peu ou pas extraits.
Une plante « minéralisante »
C’est la plante des consolidations de fractures, un remède indispensable dans l’ostéoporose (avec une alimentation et un exercice physique adaptés!). La silice organique améiore la croissance osseuse. Dans cette indication, ce sont les gélules de poudre qui sont les plus efficaces.
C’est aussi le remède des ongles et cheveux cassants, des dents fragiles qui se carient facilement par défaut de minéralisation.
Avant l’avènement des médicaments anti tuberculeux, la prêle était prescrite pour redonner de l’appétit au malade et faciliter la reminéralisation.
Une plante diurétique et anti rhumatismale
La prêle est une plante diurétique grâce à sa teneur importante en potassium. Elle est aussi anti lithiasique (contre les calculs rénaux) en réduisant l’acidité urinaire. On l’utilise dans les œdèmes post-traumatiques (une cheville qui gonfle suite à une entorse par exemple), en drainage dans les infections urinaires basses. Il faut veiller à assurer un apport suffisant en eau.
La prêle est un complément utile dans les inflammations articulaires et les douleurs rhumatismales, elle stimule la synthèse de collagène au niveau des articulations.
Des emplois traditionnels
Même si ces emplois ont disparu des indications officielles, elle a été utilisée pour réduire le flux sanguin des règles hémorragiques, soulager les inflammations des muqueuses de l’estomac ou de l’intestin. Marie-Antoinette Mulot donne aussi une formule de tisane contre l’énurésie, avec de la prêle, du millepertuis, de l’écorce de chêne et du rhizome de tormentille.
Des précautions d’emploi
Avant toute chose, si vous récoltez vous-même, assurez-vous de parfaitement identifier votre prêle des champs et de ne pas la confondre avec une autre prêle car d’autres espèces sont toxiques (voir plus bas) : il est indispensable de toujours vérifier les caractéristiques dans un bon ouvrage de botanique (les photos ou applications ne suffisent pas), ou sur telabotanica. Ne récoltez pas dans des endroits pollués, trop fréquentés par les animaux domestiques, sur les bords de route. Et n’oubliez pas: la nature est généreuse, respectez-là. Ne prélevez que le strict nécessaire, et seulement avec parcimonie sur des gisements où la plante est abondante.
La prêle ne présente pas de contre-indication majeure. Il n’est pas envisageable de la prendre comme diurétique en cas d’insuffisance rénale ou cardiaque, l’automédication dans ces pathologies est TOUJOURS contre-indiquée. Son usage n’est pas recommandé chez l’enfant de moins de 12 ans, la femme enceinte ou allaitante.
Des réactions allergiques ont été signalées.
Et une fois de plus, je le rappelle: un traitement en phytothérapie n’a aucune raison d’être pris en continu. Préférez des traitements courts quand c’est possible et si vous avez besoin de prolonger le traitement (dans le cas d’une ostéoporose par exemple), procédez par cures de 3 semaines, avec des interruptions d’une semaine au moins entre deux cures. Et pensez à la complémentarité des plantes!
Attention aux confusions!
La prêle ivoirine Equisetum maximum (ou telmateia) peut s’utiliser comme la prêle des champs selon les auteurs anciens. La prêle des bourbiers Equisetum fluviatile est toujours inscrite à la Pharmacopée (liste révisée, IV)
Une autre espèce de prêle est désormais moins utilisée car elle est plus irritante que la prêle des champs : c’est Equisetum hiemale encore appelée prêle d’hiver, prêle à polir, prêle des tourneurs. Sa teneur en silice est telle qu’elle servait à polir le métal. Elle était importée de Hollande en Angleterre à cette fin. Elle a longtemps été utilisée par les ébénistes, les ferblantiers, les artisans qui travaillent la corne. John Gerard (1672) rapporte son usage dans les laiteries pour décaper les récipients métalliques.
D’autres prêles contiennent des alcaloïdes toxiques : la prêle des eaux Equisetum palustre , la prêle des bois Equisetum sylvaticum. Elles sont responsables de troubles digestifs sérieux et de troubles neurologiques. Chez le bétail, elles entraînent des polynévrites.
L’inutile et le superflu… (ou pas)
Pour Culpeper (1653), la prêle arrête le sang, « tant à l’intérieur qu’à l’extérieur ». Il fait usage de la décoction, soit en application locale sur une plaie, soit par voie interne. Il la propose aussi pour cicatriser les ulcères et les irritations, de l’estomac, l’intestin, la vessie. Il l’utilise aussi comme diurétique, et pour lutter contre la maladie de la pierre (que nous nommons aujourd’hui lithiase rénale, à l’origine de coliques néphrétiques) en décoction dans du vin. Et un usage oublié: contre l’inflammation des paupières, en compresses.
Les cendres de prêle, inusitées aujourd’hui, étaient absorbées comme anti-acide contre les brûlures d’estomac.
Dans un formulaire thérapeutique de 1914, ce n’est pas la prêle des champs qui est utilisée, mais Equisetum hiemale et E.limonum. Elles sont prescrites comme hémostatiques et diurétiques, en utilisant la décoction (c’est-à-dire qu’on fait bouillir la plante).
Une plante comestible, pour les rennes, les vaches… et même les humains
Linné (1707-1778) décrit l’usage de la prêle au Nord de la Suède : les rennes, qui habituellement refusent le fourrage, mangent les prêles. On en cultive comme fourrage pour les vaches au nord de la Suède, afin d’augmenter leur production de lait, mais les chevaux n’y touchent pas. Inversement, dans d’autres régions de Suède, les chevaux sont friands d’une autre espèce de prêle, mais c’est une espèce délétère pour les vaches : elle abîme leurs dents et provoque des diarrhées.
Les classes les plus pauvres à Rome consommaient occasionnellement les jeunes pousses de prêle en guise de légume, mais elles ne sont pas particulièrement délicieuses. Néanmoins, les jeunes pousses sont comestibles, en petite quantité, préparées comme des asperges, ou cuites en beignet. En Asie, les jeunes pousses de prêle ont la faveur des chefs: ici, une recette fort élaborée de bar aux pousses de prêle d’un chef japonais, Yoshihiro Murata.
et au jardin
Le purin de prêle est un excellent fongicide.
Le mot de la fin
revient à George Sand
Le jonc et la prêle avaient poussé si dru dans le sable, qu’on ne pouvait voir un coin grand comme le pied pour y chercher une empreinte.
La petite Fadette 1849
Bibliographie succincte
Breverton’s Complete herbal, based on Culpeper’s The English Physitian and Compleat Herball of 1653 Éd.Quercus
Jean Bruneton Pharmacognosie, phytochimie, plantes médicinales , 5ème édition, ED.Lavoisier Tec et doc 2016
F.Dupont, J.-L. Guignard Botanique systématique moléculaire 14ème édition, Ed.Elsevier-Masson
Michel Dubray Guide des contre-indications des principales plantes médicinales Ed.Lucien Souny
Jacques Fleurentin, Jean-Claude Hayon, Jean-Marie Pelt Des plantes qui soignent Ed. Ouest-France2018
Paul-Victor Fournier Dictionnaire des plantes médicinales et vénéneuses de France Éd. Omnibus
Paul Goetz, François Hadji-Minaglou Conseil en phytothérapie, guide à l’usage du prescripteur. Lavoisier tec&doc 2019
P.Loiseau, G.Lyon Formulaire thérapeutique ED.Masson et Cie. 1914
Marie-Antoinette Mulot herboriste diplômée Secrets d’une herboriste Éd.Dauphin
Michel Pierre Les plantes du bien-être, les remèdes de A à Z éd. du chêne
Aline Raynal-Roques La botanique redécouverte Ed.Belin INRA 2008
Max Wichtl, Robert Anton Plantes thérapeutiques Tradition, pratique officinale, science et thérapeutique 2ème édition, Ed.Lavoisier, Tec et doc
https://www.nature-and-garden.com
Auteur de l’article: Sabine Robin, docteur en Pharmacie, DU phyto-aromathérapie clinique, DU micronutrition exercice et santé.
L’auteur déclare ne présenter aucun conflit d’intérêt financier avec l’industrie pharmaceutique ou laboratoire ou fabricant de produits ou matériels médicaux.