La mélisse

Une plante qui embaume les jardins et attire les abeilles.

mélisse botanique

Un peu de botanique

La mélisse Melissa officinalis est une plante herbacée de la famille des Lamiacées. C’est une plante vivace de 30 à 80 cm de hauteur, très sensible au gel, à l’odeur citronnée. On la rencontre en Europe centrale et méridionale, dans la partie occidentale de l’Asie et au nord de l’Afrique.

Mélisse fleur
Tige et fleur caractéristiques des lamiacées,

Une plante médicinale

C’est la feuille séchée qui est utilisée pour ses vertus médicinales.

mélisse feuilles

Une plante apaisante

La tisane ou les extraits de mélisse sont utiles dans les états anxieux, les insomnies. Vous pouvez l’associer à la passiflore, la ballotte, la valériane, le tilleul ou l’aubépine. Elle a été étudiée dans l’anxiété, la dépression, les troubles du sommeil, chez des patients qui souffraient d’angor (« angine de poitrine »), avec des résultats probants.

Une plante pour la mémoire?

La mélisse était réputée pour améliorer la mémoire: des études tendent à confirmer un léger bénéfice, en association avec sauge et romarin, sur la mémoire. Et des études se poursuivent dans le domaine de la maladie d’Alzheimer, sans débouché thérapeutique à ce jour (mai 2020).

Une plante contre l’herpès

Les antiviraux classiques utilisés couramment contre l’herpès voient parfois leur activité réduite par l’apparition de résistances. On se tourne alors souvent vers des remèdes traditionnels: c’est le cas avec la mélisse, qui peut réduire les récidives d’herpès labial (bouton de fièvre). Il s’agit d’un traitement au long cours, pour lequel il convient de prendre les précautions d’usage (cf infra). On l’utilise en teinture ou en extrait fluide.

On utilise aussi dans cette indication des gels à base d’extraits concentrés de mélisse, à appliquer sur les vésicules dès leur apparition: la mélisse accélère la cicatrisation, réduit la sensation de brûlure et de démangeaison.

Une plante digestive

C’est une bonne tisane des digestions difficiles, avec spasmes intestinaux. Avicenne (980-1037) la recommandait déjà comme tonique digestif ajoutant que « le propre de la mélisse est de réjouir le cœur, échauffer et fortifier les esprits vitaux. » Vous pouvez l’associer à la menthe poivrée, la verveine citronnée, les semences anisées .

Une plante contre le syndrome prémenstruel

Une nouvelle fois, la médecine moderne confirme l’usage traditionnel: en tisane, ou extrait sous forme liquide ou en gélules, la mélisse fait partie de l’arsenal utile aux femmes qui souffrent de syndrome prémenstruel.

Les précautions à connaître

La mélisse n’est pas recommandée chez l’enfant de moins de 2 ans (même 12 ans par prudence extrême selon l’EMA), la femme enceinte ou qui allaite.

Des interactions avec des médicaments ne sont pas exclues: prudence en cas de consommation importante et régulière de mélisse si vous prenez un traitement chronique, la mélisse peut augmenter l’effet de somnifères, antidépresseurs, neuroleptiques antipsychotiques, antitussifs et médicaments contre la douleur contenant un dérivé de l’opium (codéine, morphine).

Des études in vitro évoquent un effet sur la TSH (qui régule le fonctionnement thyroïdien). Même si aucun effet indésirable sur la thyroïde n’a été décrit en pratique, il est recommandé d’éviter de prendre régulièrement de la mélisse si vous souffrez d’une maladie de la thyroïde.

Une huile essentielle et un hydrolat

L’huile essentielle de mélisse est obtenue par distillation des feuilles, elle est rare, chère et précieuse: la distillation des feuilles est délicate, le rendement extrêmement faible, il faut 5 à 7 tonnes de feuilles pour obtenir 1 litre d’huile essentielle. Des falsifications sont possibles, et elle est parfois confondue avec l’HE de verveine citronnée Lippia citriodora, de litsée Lisea cubeba, voire de citronnelle Cymbopogon citratus.

Du fait de son prix, on utilise peu l’HE de mélisse. C’est un remède des palpitations liées à l’anxiété, aux contrariétés, quand toute cause « cardiaque » est éliminée, une excellente sédative, hypotensive.

C’est une grande apaisante, anti-déprime: une goutte sur un mouchoir, à respirer quand le stress dépasse la mesure. On utilise aussi cette voie d’administration pour faciliter le sevrage tabagique.

Elle est un peu irritante pour la peau: il est toujours nécessaire de la diluer dans une huile végétale. Et bien sûr, respecter scrupuleusement les précautions d’usage avec les HE (ne pas utiliser sans avis médical chez l’enfant, ne pas utiliser pendant la grossesse ou l’allaitement, ne pas utiliser sauf avis d’un professionnel de santé formé à l’aromathérapie en cas de traitement médicamenteux associé, d’asthme, antécédents d’allergie…)

L’hydrolat de mélisse

à ne pas confondre avec l’eau de mélisse des Carmes.

C’est un hydrolat sédatif, antispasmodique qui peut être utilisé par voie orale lorsqu’il est de qualité irréprochable et sans conservateur contre-indiqué.

L’inutile et le superflu… ou pas

L’amie des abeilles

La mélisse est une plante mellifère, et elle attire les abeilles: c’est une propriété bien connue des apiculteurs qui frottent les ruches de mélisse pour attirer les abeilles. Pline l’Ancien décrit déjà cette pratique:

Quand on récolte le miel, on frotte les issues des ruches avec le mélissophyllon (mélisse) ou le genêt broyés, ou bien on les entoure par le milieu avec la vigne blanche, de peur que les abeilles ne se dispersent. 

Histoire naturelle, Livre XXI, XLVIII

Des abeilles et du cédrat: un nom évocateur

Cette affinité avec les abeilles se retrouve dans le nom: en grec, abeille se dit melissa (Μέλισσα). Mais on nommait aussi la mélisse en référence à son odeur citronnée: citronnelle a longtemps désigné la mélisse de nos jardins, alors qu’aujourd’hui, la citronnelle désigne des Cympopogon . Et comme la citronnelle, la mélisse frottée sur la peau est réputée repousser les insectes. Mais les noms communs anglais lemon balm et espagnol toronjil font référence à ce parfum de citron (de cédrat, disaient les anciens: Dioscoride ajoute qu’on l’appelle aussi Citrago). De l’intérêt de nommer les plantes par leur nom latin pour éviter les confusions!

Des usages anciens

Le recul d’utilisation de la mélisse est rassurant, puisque son emploi est attesté dès l’Antiquité.

Pour Dioscoride, boire un vin de mélisse soigne les piqûres de scorpions, en appliquant en même temps les feuilles sur la lésion, et les morsures de chiens enragés. Elle était réputée soigner la mélancolie (Hildegarde Bingen , Avicenne), faciliter la digestion (Avicenne).

Une plante aussi répandue ne pouvaient qu’être parée de pouvoirs magiques: un pied de mélisse devant la porte principale d’une demeure éloignait les mauvais esprits, c’est la coutume médiévale que relate Culpepper.

Autre usage tombé en désuétude: en Angleterre, au Moyen-Âge, on frottait les meubles de feuilles fraîches de mélisse pour les polir et parfumer le bois.

Des Carmes et leur eau

À partir de 1611, le monastère des Carmes à Paris commercialise son eau de mélisse. Mais la formule en est probablement plus ancienne, chaque monastère ayant sa formule d’élixir , aux vertus nombreuses, et la mélisse entre souvent dans les compositions. Il paraît que Charles-Quint en usait déjà.

Un élixir de renom

Le mot de la fin

à Sidonie-Gabrielle Colette (1873-1954)

Colette, vers 1925

je lui mis dans la main une poignée de verdure froissée, dont le parfum de citronnelle adoucie et de géranium la ravit, l’étonna. Elle demanda le nom de l’herbe merveilleuse (…) -Mais, lui dis-je, c’est tout simplement la mélisse des abeilles! – De la mélisse, s’écria Mme de Noailles, de la mélisse! Enfin , je connais donc cette mélisse dont j’ai tant parlé!

Belles saisons.
Crédit photo Influence Nature

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Auteur de l’article: Sabine Robin, docteur en Pharmacie, DU phyto-aromathérapie clinique, DU micronutrition exercice et santé.

L’auteur déclare ne présenter aucun conflit d’intérêt financier avec l’industrie pharmaceutique ou laboratoire ou fabricant de produits ou matériels médicaux.

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